samedi 12 janvier 2008

A PROPOS DE L'EPIPHANIE...


Depuis leur origine, les puissances religieuses ont recouvert les fêtes qu’elles considéraient comme profanes pour installer leur influence, permettant à certaines de survivre, voire se développer, presque toujours sous d’autres noms.
Le Samhain, par exemple, fête celtique des morts, est devenu en 835 par la volonté de Louis le Pieux, fils de Charlemagne, Toussaint fête de tous les saints, provoquant la réactivation par les Anglo-saxons d’une certaine Halloween destinée à redonner vie aux esprits des trépassés, avant de… remplir les caisses de Disney !
Autre exemple : le solstice d'hiver du 25 décembre, fin des Saturnales (fête des graines enfouies) dans l’Empire romain en même temps que fête du dieu
Mithra (Sol invinctus - Soleil Invaincu) que l’on célébrait par le sacrifice d’un taureau, n’est devenu commémoration de la naissance de Jésus que sur décision du pape Libère en 354. Déjà récupérée par l’impérialisme romain, cette fête avait, elle aussi, une origine celtique.
Comment s’étonner alors que notre tradition de partager une galette, chaque année, le 6 janvier, en cherchant la fève afin de trouver enfin son roi ou sa reine, ait elle aussi des racines qui, bien que plongeant dans la nuit de Noël, plongent davantage encore dans… la nuit des temps !
On nous raconte que ce sont trois errants couronnés baptisés Gaspard (le Jaune), Melchior (le Blanc) et Balthazar (le Noir) -on n’avait pas encore découvert pour les exterminer les… Peaux Rouges !- qui, par leur visite au Nouveau Né, sont à l’origine de cette fête. Peut-être parce qu’ils ont, dans l’épaisseur feuilletée de la nuit orientale, découvert la fève en la personne du Messie ! Trois, comme les piliers du temple des francs-maçons (Sagesse, Force et Beauté), trois comme Père (l’Éternel), Fils (le Verbe) et Saint-Esprit (le Souffle), cette trinité de notre société judéo-chrétienne, sainte parce que symbole du multiple dans l’Un, ce
Dieu unique en trois personnes égales et participant à une même essence.
On nous raconte aussi que, venant d’Afrique pour les uns, d’Orient pour les autres (on échappe une nouvelle fois à l’Amérique, Christophe Colomb et ses sbires ayant pris sur cette histoire un retard considérable !), ils offrirent à l’Enfant des cadeaux prestigieux : l’or, métal parfait, royal, solaire et divin (notre amour selon Karl Rahner), la myrrhe, plante de paradis capable de guérir toutes les blessures des hommes (nos souffrances), l’encens dont la fumée parfumée guide l’aspiration humaine vers le ciel (notre nostalgie).
On nous raconte encore, dans la famille chrétienne orthodoxe, que cette fête serait la commémoration du baptême de Jésus dans le Jourdain, trente ans après l’épisode de l’étable de Bethléem. Que, pour la commémorer, c’est une croix que les fidèles doivent retrouver au fond d’un étang, réservant ainsi la royauté à celui/ou celle qui, en apnée, manquerait le moins de… Souffle… divin, évidemment !
On nous raconte enfin que, dès ses premiers temps, l'Église avait pris l'habitude de célébrer le 6 janvier toutes les formes connues de présence de Dieu sur terre : la Nativité (Noël), l'Adoration des mages, le
baptême du Christ et les noces de Cana. Si elle avait duré, cette synthèse aurait provoqué le télescopage entre la bûche de Noël et la galette des rois, et… des migraines chez les pâtissiers modernes, à cause du mariage difficile de la crème au beurre avec la frangipane !
Baptême du Christ… noces de Cana…
L’EAU (de l’Épiphanie, de la rivière, ou de la mer mère), c’est la vie nous disent les scientifiques, nous rappelant que même l’embryon humain a d’abord… une existence amphibienne, et que notre corps est constitué d’environ 70% d’eau (50% chez les vieux, d’où la nécessité de compenser l’évaporation naturelle due à l’avancée en âge par l’absorption de liquides… agréables, n'en déplaise à Monsieur Evin !) Semence divine, flux lustral, symbole de paix lorsqu’elle est calme, l’eau est aussi capable de détruire, voire de tuer, lorsqu’elle s’agite ou lorsqu’elle enfle. N’est-ce pas par elle que Dieu décida un jour de corriger son erreur de création en provoquant le terrible déluge dont seul Noé réchappa (pour courir aussitôt s’enivrer des fruits de la vigne -trop d’eau appelle… le vin- !) Mais n’est-ce pas par elle aussi, par la crue presque rituelle du Nil, que l’Égypte antique (avant la construction du barrage d’Assouan) recouvrait chaque année vitalité et fécondité ? Jésus a confirmé cette qualité essentielle de l’EAU dont il est le Maître en déclarant à la Samaritaine : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive ! et, lorsque le mercenaire romain lui perça le flanc d’un coup de lance, en versant à la fois le sang et… l’EAU, esprit du Père offert à l’humanité. Vertu cosmogonique : l’EAU purifie, guérit, rajeunit, introduisant ainsi dans… l’Éternel ! Elle est le Yin associé à la
Lune, part féminine de la nature.
Le SOLEIL de l’Épiphanie est un soleil nouveau. Il renaît, reprend sa course de plus en plus haut dans le ciel, réchauffe tout ce qu’il touche et, d’Orient en Occident dans sa marche quotidienne, rend à la terre la Lumière fertilisante perdue. C’est cette Lumière qui va réveiller les végétaux endormis, raccourcir les ombres des choses, des êtres, et… des phénomènes, rendre aux animaux leur puissance de reproduction (pour mémoire, l’être humain n’est qu’un animal parmi d’autres !) Il réveille et il révèle, le Soleil ! C’est sa lumière aussi qui, depuis l’aube de l’humanité, figure les influences célestes sur la terre, rassemble ce qui est épars, réunit les différents, fait du tout l’UN rayonnant insensible à toutes les influences physiques, chimiques, psychologiques, politiques ou… comptables ! Comment oublier le célèbre disque de Newton chargé de toutes les couleurs de l’univers, même les plus apparemment… sales, qui devient d’un blanc très pur quand on le fait tourner à grande vitesse ? Comment ? Oui, la Lumière, si elle n’est pas la vie, est un puissant principe de vie : LE PRINCIPE DE VIE. Or c’est elle qui monte maintenant, en ce temps d’ Épiphanie, et que nous saluons en dévorant la galette et levant nos verres ! C’est elle qui nous parle dès aujourd’hui de résurrection des morts, qui nous invite à tirer de l’obscur cœur de frangipane d’une galette la fève et, avec elle, tirer des profondeurs de la terre où ils sont enfouis, et de nos mémoires, l’Esprit, le souvenir de celles et ceux qui nous quittés pour l’autre monde et que nous aimions… que nous aimons ! Si, pour Pline, la fève (fruit d’une légumineuse de la famille des Fabacées) contient l’âme de nos morts, c’est pour représenter leur première offrande aux vivants que nous sommes encore, le premier don venu de dessous terre. C’est le signe de leur fécondité, de leur incarnation. Ce n’est pas pour rien si, en Grèce antique, les décisions importantes se votaient par fève blanche ou noire : blanche : projet adopté… noire : projet condamné à mort. Blanche comme la lumière solaire du disque de Newton, ronde comme le cercle, point étendu parfait, noire comme l’obscurité du tombeau, ronde comme… le soleil !
Même si les grands marchands et les puissants de notre temps, avides de blé frais destiné à se constituer la plus grosse galette pour leurs jeux d’aujourd’hui, leurs croisières sur des yachts fastueux, leurs visites de pyramides de lingots, et leurs vieux jours dont ils voudraient faire une seconde sinécure, en ont fait un moyen de développement de leur richesse, cette tradition de l’Épiphanie dont le rituel galette-fève nous rassemble garde tout son sens universel et fraternel. Elle nous rappelle qu’il n’est aucune frontière entre le bas et le haut, entre la vie et la mort, entre le passé et le présent, entre les êtres qu’unit l’Esprit, et que la pratiquer c’est ouvrir une porte sur la vraie fraternité affranchie des contraintes matérielles ! Une porte sur… l’AMOUR !
Mangeons donc, Amies, Amis, buvons, cherchons la fève, couronnons-nous les uns les autres, et… vivons le bonheur simple de créatures libres, de bonnes mœurs, conscientes de n’être que goutte d’eau, mais essentielle, dans l’océan de l’univers, et ensemble pour… tous les autres, d’hier, d’aujourd’hui, de demain !

Que cette Lumière montante rayonne en nous et autour de nous !

2 commentaires:

micheline a dit…

superbe morceau de culture éclairante! mon simple avis : peut-être à découper en portions commestibles pour le simple pékin qui ne mange pas de galette tous les jours comment faire??

Dodo a dit…

Merci beaucoup pour cet article. Me permettez-vous de mettre votre blog dans mes sites favoris dans le modeste mien?