jeudi 22 novembre 2012

ENArchie française !

La classe politique française révèle une nouvelle fois son vrai visage !
Le combat imbécile des chefs pour la présidence d’un parti (aujourd’hui l’UMP - Union pour le Mépris du Peuple ?- hier…), sous couvert de comédie démocratique, montre comment des individus, tous sortis du même moule à manqué, l’ENA, sont prêts à humilier un pays tout entier pour satisfaire leur pathologique ambition.
Ces gens-là (comme d’autres hier !) prétendent vouloir servir la France…
En réalité, ils se servent de la France !
Toute leur énergie est mise au service de la conquête du trône, toute leur générosité ( ?!?) offerte à leurs courtisans, eux-mêmes avides de pièces d’or que leur lancera le nouveau monarque, toute leur haine assortie d’insultes jetée en public à la face de leurs rivaux, eux-mêmes experts en noms d’oiseaux !
Tout leur temps se passe dans la bulle dorée qu’ils occupent à longueur d’année, parfois depuis leur naissance, à vouloir en gagner le centre immobile, à en fuir les extérieurs laborieux dont pourtant ils s'approprient les fruits du travail pour… s’en nourrir !
Ils s’épanouissent dans leurs quartiers généraux, beaux quartiers des belles villes indemnes de logements sociaux, insonorisés et pleins comme des œufs de la rumeur flatteuse des soupirant(e)s ; ils s’y reproduisent, s'y multiplient, s’y cultivent entre eux aux mêmes engrais, s’y donnent chaque jour l’illusion d’être le TOUT au milieu de rien.
Et, quand ils osent en sortir, c’est pour se faire porter en chaise roulante blindée à vitres fumées dans ces lieux clos où l’on parle-ment, loin des soucis de la vie matérielle et des misères du monde, mais proches des porteurs de micros et des yeux noirs de caméras au front rouge de honte.
Tandis que ces élites autoproclamées dégustent du foie gras aux truffes en se chamaillant dans les palais nationaux, le peuple, lui, se nourrit de miettes (quand il peut encore se nourrir), se soigne d’expédients, en redoutant déjà les effets de l’hiver annoncé ! Tandis que, sous leur regard bienveillant, leurs amis (eux-mêmes parfois) planquent derrière les frontières une fortune expatriée, donc défiscalisée, le contribuable de base trinque ! Tandis que Paris s’amuse à la folie, la province souffre !
Tous, toutes couleurs de l’arc en ciel confondues (rouges, orangés, jaunes, verts, bleus, indigos, violets…) anesthésient les citoyens avec des primes, des promesses, des assurances que, demain, on rasera gratis, des sourires de confiseur fier de ses pommes d’amour, des incantations proches de cantiques antiques, des œillades dans les étranges lucarnes, des histoires de pain au chocolat, des jeux débats et conférences de presse aux dés pipés, des projets de mariage et de bonheur éternel, des pointes d’humour qui voudraient parfois faire croire qu’ils ont de l’esprit.
Mais, tandis que ces élites autoproclamées se jouent ces tristes comédies, balayent la pauvreté d’un revers de manche en nous assurant que le pays n’a jamais été aussi riche (la preuve, disent-ils : « le niveau d’épargne des Français(e)s bat tous les records, les livrets A débordent ! ») on dort dans des cartons sur les boulevards… on s’achète trois mètres de corde dans certaines campagnes paysannes et repère la poutre assez haute dans la grange pour s’y suspendre le jour où l’huissier deviendra trop pressant… on vérifie que la fenêtre du salon est à bonne hauteur d’étages pour en finir le moment venu, sans ascenseur ni escalier, le nez au ciel, les bras en croix… on compte et recompte la monnaie sur la table de la cuisine en se demandant si les enfants auront encore du lait à la fin du mois… on enterre dans un désert rural un nouveau-né mort entre le domicile de sa mère et la maternité trop lointaine… on voit le chômage s’abattre sur les familles comme un insatiable oiseau de proie… et, au même moment, les actionnaires du « CACA rente » tourner de vertigineux bonheur, comme des derviches devenus fous, sur des tas d’or de plus en plus impressionnants.
Et, le ridicule ne tuant décidément pas, ces élites autoproclamées exhibent leurs muscles sur des scènes de foires internationales, pour terrifier puis faire rentrer dans le rang tous les mal-lavés qui salissent le monde au quotidien, leur donner des leçons de maintien et de bonnes manières, leur rappeler ce que sont les Droits de l’Homme. Tous ces « Monsieur Propre », la boîte à lessive magique en main, s’affairent en Afghanistan, en Lybie, au Mali, en Syrie, en Palestine, en Israël, en Irak, en Iran… oubliant que, chez nous, les Corses sont en marche vers la tombe de leur trentième mort en un an, que les armes se vendent et s’achètent chez eux plus facilement qu’un pain au chocolat, que dix affaires criminelles sur cent seulement sont élucidées !
Le ridicule ne tue plus !
L’école de la République nous enseignait autrefois que, avant de dénoncer la paille qui encombre l’œil du voisin, il faut retirer la poutre qui aveugle le sien ! Elle nous disait aussi, cette bonne vieille école de la République, que, avant d’aller donner des leçons de propreté à l’autre, il faut déjà se savonner soi-même, être propre sur soi, et avoir balayé devant sa porte !
Mais c’était l’école de la République, pas… l’ENA !
Si elle est désastreuse pour l’image de notre pays, et redoutablement méprisante pour son peuple, cette lutte à mort à coups de poignées de voix (toutes aussi incertaines les unes que les autres) que se livrent aujourd’hui quelques saltimbanques énarchiques qui se prennent pour des chefs d’Etat a au moins ce mérite : exaspérer davantage encore un peuple qui en a marre de souffrir pour et par eux, qui n’en peut plus de leurs mensonges, manipulations, abandons, transferts de responsabilités et de charges, flagornerie, flatteries et menaces, et le pousser à libérer sa colère, un jour… bientôt peut-être !
Ce jour-là, qu’ils auront engendré eux-mêmes, sur son balcon à garde-fous dorés, surplombant des foules devenues redoutables, l’un d’entre eux, ignorant de l’Histoire qu’il aura fait supprimer des programmes scolaires, pourra murmurer comme, autrefois, un certain roi Louis : « C’est une émeute ? » Alors, peut-être se trouvera-t-il, dans son entourage, un courtisan poudré moins sot que les autres, ou moins pleutre, qui osera répondre : « Non, Monsieur le Président ! C’est… une révolution ! »
Peut-être !
Ce jour-là, gens des élites autoproclamées, il sera trop tard pour vous découvrir un cœur dans la poitrine, et tenter de vous remettre sur les épaules la tête que vous aurez déjà jetée vous-même dans la sciure !
Prudence, gens des élites autoproclamées qui ne connaissez de l’usine, du chantier, de la terre, de la rue, de la vie… que ce que vous en ont dit des livres menteurs choisis par d’autres élites… Prudence !
Le feu est redoutable à proximité d’une poudrière. On n’y joue pas impunément avec des allumettes !
Pensez un peu à celles et ceux qui, par leur travail quotidien, vous donnent les moyens de… les mépriser.
A bon entendeur…
Salut et Fraternité !

samedi 17 novembre 2012

RIMBAUD - Les assis


Les assis

Noirs de loupes, grêlés, les yeux cerclés de bagues
Vertes, leurs doigts boulus crispés à leurs fémurs,
Le sinciput plaqué de hargnosités vagues
Comme les floraisons lépreuses des vieux murs ;

Ils ont greffé dans des amours épileptiques
Leur fantasque ossature aux grands squelettes noirs
De leurs chaises ; leurs pieds aux barreaux rachitiques
S’entrelacent pour les matins et pour les soirs !

Ces vieillards ont toujours fait tresse avec leurs sièges,
Sentant les soleils vifs percaliser leur peau,
Ou, les yeux à la vitre où se fanent les neiges,
Tremblant du tremblement douloureux du crapaud.

Et les Sièges leur ont des bontés : culottée
De brun, la paille cède aux angles de leurs reins ;
L’âme des vieux soleils s’allume, emmaillotée
Dans ces tresses d’épis où fermentaient les grains.

Et les Assis, genoux aux dents, verts pianistes,
Les dix doigts sous leur siège aux rumeurs de tambour,
S’écoutent clapoter des barcarolles tristes,
Et leurs caboches vont dans des roulis d’amour.

- Oh ! ne les faites pas lever ! C’est le naufrage…
Ils surgissent, grondant comme des chats giflés,
Ouvrant lentement leurs omoplates, ô rage !
Tout leur pantalon bouffe à leurs reins boursouflés.

Et vous les écoutez, cognant leurs têtes chauves,
Aux murs sombres, plaquant et plaquant leurs pieds tors,
Et leurs boutons d’habit sont des prunelles fauves
Qui vous accrochent l’oeil du fond des corridors !

Puis ils ont une main invisible qui tue :
Au retour, leur regard filtre ce venin noir
Qui charge l’oeil souffrant de la chienne battue,
Et vous suez, pris dans un atroce entonnoir.

Rassis, les poings noyés dans des manchettes sales,
Ils songent à ceux-là qui les ont fait lever
Et, de l’aurore au soir, des grappes d’amygdales
Sous leurs mentons chétifs s’agitent à crever.

Quand l’austère sommeil a baissé leurs visières,
Ils rêvent sur leur bras de sièges fécondés,
De vrais petits amours de chaises en lisière
Par lesquelles de fiers bureaux seront bordés ;


Des fleurs d’encre crachant des pollens en virgule
Les bercent, le long des calices accroupis
Tels qu’au fil des glaïeuls le vol des libellules
- Et leur membre s’agace à des barbes d’épis.

Arthur Rimbaud - Poésies

jeudi 1 novembre 2012

CAC 40, ou CACA RENTE ?

Il fallait s’y attendre !
Le printemps de mai a ravivé des énergies endormies. Jusqu’à ce mois de Marie historique, qui a vu fleurir de nouveaux espoirs de mise en application de notre devise républicaine Liberté-Egalité-Fraternité, même s’ils râlaient un peu histoire de faire croire à l’absence de compromission entre eux et les politiques d’alors, ils s’étaient accommodés de la durée légale du travail, du financement des organismes sociaux, de la fiscalité des entreprises, du coût du travail dans notre pays, des ouvriers français qu’ils estimaient (qu’ils estiment toujours !) les plus fainéants d’Europe… Les montant de leurs jetons de présence, émoluments d’administrateurs, leurs combats des chefs pour la possession du yacht le plus long du monde et une place dans l’avion de la République pour des virées de « stratégie commerciale » au bout du monde, les déjeuners à répétition (précédés et suivis de bises présidentielles appuyées) de la présidente du Medef à l’Elysée, leurs parachutes dorés et autres indemnités de maintien en poste ou de départ (parfois après avoir ruiné la société qu’ils avaient dirigée d’un coup de cigare cubain) les aidaient à cette chaleureuse générosité politique.
Mais voilà ! Même si le pays est toujours géré par les clones des prédécesseurs, issus des même moules à manqué (l’ENA étant le plus fameux -pire !?!- de tous), ils se souviennent soudain qu’ils ne sont pas d’une famille soucieuse de tous ses membres, grands ou petits, forts ou faibles, sains ou malades, jeunes ou vieux ! Leur revient brutalement à l’esprit qu’ils sont d’une classe différente de toutes les autres, de celle des donneurs d’ordres qui veulent toujours plus de rendement au moindre coût, si possible à coût nul !
Ils… les très grands patrons de notre pays !
La sélectivité de leur mémoire leur permet d’oublier que, des années durant (dix, vingt, trente…) ils ont fait mine de penser à l’avenir de leur entreprise, en ne songeant en réalité qu’à leur profit, c’est-à-dire à celui de leurs actionnaires dont ils ne sont que les exécuteurs des hautes et basses œuvres.
Pendant ce temps de vaches un peu plus grasses, comment ont-ils partagé les richesses produites par leurs salariés ? A cette époque d’apparente meilleure santé économique et sociale, ont-ils seulement pensé (voulu ?) investir dans l’innovation, le développement, la recherche de nouveaux produits ou procédés de fabrication ? En ces années de ciel plus serein, ont-ils eu le courage de rappeler à leurs actionnaires que demain se prépare aujourd’hui à la lumière de ce qui a été réussi hier ?
Bien sûr, la situation est maintenant dramatique (pas pour tout le monde, les plus riches étant toujours plus riches et les plus pauvres toujours plus pauvres !).
Alors, les « aigles » imitant les « pigeons », une centaine d’entre eux (dont quelques-uns sortis eux aussi de l’ENA) adressent un ultimatum au président de la République. Ils le mettent en demeure de donner de l’air aux finances d’entreprises en réduisant les charges salariales et, pour compenser le manque à gagner de l’Etat, de serrer d’un cran supplémentaire la ceinture du citoyen (tous les citoyens, y compris les plus misérables !) en augmentant la TVA !
Soyons lucides…
D’abord… une telle politique simpliste peut être décidée et appliquée par un élève de l’école primaire (inutile de payer très cher des surdiplômés de l’ENA ou d’ailleurs pour faire de telles trouvailles !)
Ensuite… si elle est décidée puis appliquée (le succès exemplaire des « pigeons » prouve qu’elle le sera !) elle laissera une fois de plus dans l’ombre les quelques-uns qui se goinfrent des bénéfices du travail de tous, ces fameux actionnaires imperméables aux souffrances de celles et ceux qu’ils mettent sur le trottoir. Outre les politiques, leurs complices, et les services fiscaux aux ordres de Bercy, qui les connaît celles et ceux-là ? Qui sait qui tire les ficelles de qui, et comment, qui décide des licenciements boursiers, d’activer la recherche pour l’avenir, ou de faire mourir le passé en saignant trop le présent ?
Gardons-nous de mettre tous les chefs d’entreprise dans le même sac ! Le plus grand nombre d’entre eux, moyens et petits, les véritables créateurs d’emploi de notre pays, sont eux-mêmes victimes de ces grands prédateurs, avec leurs salariés dont ils partagent presque toujours le sort. Victimes aussi, ces moyens et petits entrepreneurs, d’un Etat qui admet une injustice fiscale criante entre les nouveaux seigneurs détenteurs du pouvoir de vie et de mort économiques et sociales et leurs vassaux ! (Le Journal du Dimanche -JDD- ne vient-il pas de révéler que les entreprises du CAC 40 paient en moyenne 8% d’impôt sur les sociétés, contre 22% pour les PME, et que, pour couronner cette politique économico-fiscalo-industrielle bananière, un quart des entreprises du CAC 40 ne paient pas du tout d’impôts !) Ces patrons de PME, très souvent silencieux (au travail, tandis que les autres conspirent dans les palais nationaux) presque toujours assujettis (fournisseurs ou prestataires de services) aux grands prédateurs, méritent le respect le plus sincère et le soutien le plus efficace. Eux aussi sont saignés par les donneurs d’ordre des saigneurs de l’économie.
Mais les autres, ces « grands patrons » qui donnent si fort de la voix en ce moment et savent mieux concevoir un plan social qu’une stratégie commerciale… Ceux-là ne sont que les aboyeurs apparents des anonymes spéculateurs propriétaires réels des entreprises. Ils ne sont que la partie apparente de l’iceberg qui joue de son éclat sous le soleil pour mieux éblouir le chaland ordinaire. Or chacun sait que c’est la colossale masse de glace dissimulée sous la surface qui, sensible aux grands courants sous-marins, provoque la dérive dangereuse de l’ensemble.
Qui donc envoie dans les couloirs ministériels (où ils retrouvent leurs copains d’école) leurs porte-voix itinérants qui passent sans honte, ni hésitation, d’une grande entreprise à l’autre, du transport ferroviaire à la banque, de l’aérospatiale au nucléaire… comme s’ils étaient, toutes spécialités du monde confondues, des génies universels ? Qui ?
Sachons orienter notre regard vers les vrais décideurs : les hommes des abysses, au cœur de glace, dissimulés sous la surface sociale, anonymes, insensibles seulement aux courants financiers internationaux !
Ce sont eux qui déclenchent en ce moment la nouvelle lutte des classes, pas leurs pitoyables marionnettes qui apparaissent dans nos étranges lucarnes chaque jour que fait le dieu du moment : le marché ! Ce sont eux qui font du CAC 40 un lieu d’aisance de jour en jour plus puant : CAC 40, ou… CACA RENTE ?
Tout les autres, au verbe haut, à la cravate arrogante, ne sont que des comédiens d’occasion qui interprètent de mauvais jeux de rôle appris sur les bancs d’une école (de prétendues élites) dont l’enseignement prioritaire est celui de la langue de bois, au détriment de celle, ô combien plus harmonieuse, de la République, de laborieux acteurs d’une mauvaise tragédie !
Vigilance citoyenne et lucidité : n’oublions pas que, depuis la nuit des temps, l’anonymat a toujours été le berceau de la mauvaise ou de la vraie fausse bonne action !
Salut et Fraternité !
Image : photo de couverture du livre Au Plaisir d'ENA Gilles Laporte éd. DGP Québec 2001