jeudi 4 juillet 2013

Génie en exil...

Tous les matins, le journal de France Culture ouvre ses fenêtres sur le monde.
Billet d’esprit de Philippe Meyer, chronique sérieuse de Brice Couturier, analyse politique fine d’Hubert Huertas, réactions parfois surprenantes des invités réguliers ou occasionnels… j’y trouve toujours un grand intérêt.
Mais, ce matin, c’est la consternation qui l’a emporté !
Marc Voinchet recevait un Russe, Sergueï Gouriev.
Ses analyses socio-économiques ont fait de cet homme, paraît-il, un dangereux contestataire indésirable dans les couloirs du Kremlin. Au point qu’il a dû venir se réfugier en France !
Ce prétendu génie en exil aurait raté le prix Nobel d’économie à plusieurs reprises, de peu, paraît-il encore !
Formé aux Etats-Unis (il y a même enseigné !), Gouriev prétend dénoncer la corruption dans son pays, les pratiques politico-financières d’une intelligentsia au-dessus de tous les contrôles, l’émergence d’une maffia d’un nouveau style dont les actions et profits ressemblent fort à l’ancienne, l’autoritarisme impérial d’un Poutine tout puissant, la fuite des capitaux qui appauvrit le pays… Mais, jusqu’à il y a quelques mois, ce nouveau héros du parler vrai n’était autre que… le conseil et la plume de… Medvedev alors président de Russie, dont chacun sait (leur jeu de chaises musicales en est la preuve !) qu’il est en accord total avec Poutine pour la confiscation de droits et libertés du peuple.
Que venait-il faire, ce matin, sur les ondes de cette radio française de qualité ?
Il venait y déballer des banalités affligeantes, mais exprimées en langue anglaise (ce qui leur conférait d’emblée une valeur évangélique !), cette langue qui permet, à coup sûr, de décrocher le moment venu le fameux prix créé par les inventeurs de la dynamite.
L’« exilé » en France Sergueï Gouriev s’exprimait chez nous dans cet idiome pour prouver sans doute au monde entier ses qualités de Monsieur Propre de la planète (un de plus… comme Obama prix Nobel de la Paix !!!), et de citoyen… du monde !
S’il ne maîtrise pas le français (ce que je peux comprendre, bien que les Russes cultivés tiennent à pratiquer notre langue aujourd'hui encore) pourquoi cet esprit universel n’a-t-il pas confié ses inestimables confessions aux auditeurs matinaux de France Culture dans sa langue maternelle, le russe, dont les harmonies valent au moins autant que les marmelades anglo-saxonnes ? Que nul ne me dise qu’il ne se trouvait aucun interprète russe-français à Paris capable de saisir puis de faire partager les subtilités des analyses de Sergueï Gouriev… je ne le croirais pas !
Alors, pourquoi ?
Peut-être l’a-t-il fait pour singer les prétendus grands communicants de notre temps qui se croient condamnés à rester petits s’ils viennent à rester fidèles à leurs racines.
Peut-être aussi l’a-t-il fait pour ajouter son accent slave à l’inoubliable langue des Bush afin d’accentuer ses mérites et souffrances d’exilé politique : « Voyez comme je dois me faire violence pour, loin de chez moi, continuer à tenter de rendre le monde plus intelligible, et l’humanité plus intelligente ! Un sacerdoce ! Que dis-je ? Un sacrifice ! »
Mais, comme le Canada Dry d’hier qui ressemblait à une boisson alcoolisée sans en être, un séjour à l’étranger peut avoir la couleur de l’exil, le goût de l’exil, la saveur de l’exil, sans être pour autant… un véritable exil !
Il est des exils apparents qui relèvent davantage de la manipulation que de l’engagement à risques. Il en est même qui ne sont que le résultat de la trouille habilement déguisée en désir de protection pour continuer un prétendu combat.
N’est pas Voltaire qui veut !
N’est pas Victor Hugo qui veut !
Ma consternation de ce matin ne résulte pas du comportement de cet homme dont la nature ressemble beaucoup à celle de très nombreux autres qui, s’appuyant sur l’inculture galopante de notre époque, veulent faire passer leur fuite pour un assaut, mais à la confusion faite par l’équipe de presse qui l’accueillait, la confusion fréquente de nos jours entre couardise et courage !
Consternation ! Car l’équipe matinale de France Culture ne m’avait pas habitué à une telle faiblesse.
A propos de faiblesse de la presse…
Ne trouvez-vous pas curieux que, depuis le départ d’Obama d’Afrique du Sud et son numéro d’acteur dans une sinistre cellule de prison, l’agonie du grand Nelson Mandela soit évacuée des journaux ? Plus personne n’en parle, comme si la planète journalistique digérait mal d’avoir été flouée de la mort en direct du courageux lutteur anti-apartheid dans les bras de l’illusionniste président des Etats-Unis !
Belle ultime preuve de résistance contre l’inhumanité états-unienne donnée par Mandela mourant : il a refusé d’offrir sa mort à l’homme représentant du pays qui emprisonne les noirs, les passe à la chaise électrique, espionne le monde entier (amis et ennemis confondus), tue les abeilles après avoir exterminé les Indiens, maintient en camp de concentration, à Guantanamo, des êtres humains hors de toute décision de justice et de tout contrôle international.
Mandela... mort ou vivant ?
Certains silences, sous couvert de trop grande richesse de l’actualité, deviennent des complicités.
Certains bruits… aussi !
Quoi qu’il en soit, n’oubliez pas, Monsieur Gouriev : n’est pas Victor Hugo qui veut !
Mais votre stratégie paiera : vous serez de la nouvelle génération des prix Nobel de paille !
Car… les médailles en chocolat vont plus souvent sur les poitrines des fuyards que sur celles des héros !
Salut et Fraternité !