mardi 23 septembre 2008

l'Eglise et... la vigne !

L’histoire de la vigne est intimement liée à celle de… l’Église ! Une Église catholique, apostolique, romaine, et… vigneronne qui, très tôt, a pris le relais des armées romaines.
Pourquoi l’Église ?


D’abord, parce que les ecclésiastiques sont des hommes comme les autres ! Ensuite, parce que, pour mieux combattre la débauche, il est indispensable de bien la connaître ! En outre, l’Église naissante a besoin d’argent… le commerce des vins et alcools en sera un bon pourvoyeur. L' Eglise n’oublie pas non plus les textes sacrés et leur évocation de l’ivresse Noé, ni le miracle des noces de Cana. Enfin, elle a un réel besoin de vin pour le service eucharistique : Hic est enim calix sanguinis mei !
Elle va donc, pour les siècles des siècles, s’intéresser à l’ampélographie et créer des vignobles :
-Sidoine Apollinaire, poète, sénateur et évêque de Clermont-Ferrand évoque dès le Vème siècle l’introduction de la vigne en Touraine par saint Martin. Parlant de la Limagne, il écrit :
Les montagnes lui font une ceinture de pâturages à leur sommet, de vignobles sur les coteaux, de fermes aux endroits cultivés, de châteaux sur les rochers.
-L’évêque de Nantes plante à tour de bras, comme saint Memin de Micy, saint Calais, et saint Maur (le vin mène sans doute à la sainteté… ou l’inverse !)
-Léonce-le-Jeune, évêque de Bordeaux, plante à Preignac.
-En région parisienne, l’abbaye de Saint-Germain-des-Près plante 300 ha de vignes qui produisent bientôt près de 200 hl de vin. Les vignes sont à Maison-Laffite, Verrière-le-Buisson, Gagny, Palaiseau, Épinay-sous-Sénart…
-En Alsace, les monastères de Marmoutier, Wissembourg et Munster produisent un vin renommé tel que le chroniqueur de l’abbaye suisse de Saint-Gall vante le vin de Sigolsheim et le compare au Falerne, vin prestigieux d’Italie.
-Théodulphe, évêque d’Orléans sous Charlemagne est baptisé « père des vignes » par le savant Alcuin, abbé de Saint-Martin-de-Tours.
-En Champagne, c’est l’évêque Nivard qui fonde le vignoble du monastère de d’Hautvillers, entre Épernay et Reims.
En Lorraine :
-Pour convaincre Paul, évêque de Verdun qui fait de la résistance, saint Didier, évêque de Cahors au VIème siècle lui envoie… dix tonneaux de vin !
-Enfin convaincu (comment ne pas être convaincu par le Cahors de son confrère ?) Hatton, évêque de Verdun, construit son château sur la côte où il attend tout de la vigne… Hattonchâtel !
-Et à Metz, les quatre abbayes (Saint-Arnould, Saint-Clément, Saint-Symphorien (aujourd’hui stade où l’on consomme surtout de… la bière !) et Saint-Vincent se partagent les vignes et la vente du vin au détail chez les taverniers de la région.
-Quant à l’évêché de Toul, il fera une place considérable au vignoble.
-Tandis que la collégiale Saint-Georges de Nancy devient propriétaire d’un patrimoine vigneron très important, tout comme les seigneurs très chrétiens de Vaudémont, Custines, Prény, Vézelise ou Pont-Saint-Vincent !
En ces temps-là, les grands propriétaires vignerons lorrains sont, à Nancy : les Dominicaines (dames prêcheresses), la Collégiale Saint-Georges qui viticulte à la coste des Chanoines, et l’abbaye cistercienne de Clairlieu, à Prény : l’abbaye Sainte-Marie-aux-Bois, à Vandoeuvre : le prieuré clunisien, à Lunéville : l’abbaye de Beaupré…
Foin du péché : le vin est devenu l’âme et l’arme de l’Église ! Au point qu’une légende raconte que…
Le cordelier Rubrouk (moine), envoyé par saint Louis au grand khan des Tartares, présenta à ce monarque un grand flacon de ce « bon vin de Mantes » qui fut trouvé si délicieux qu’il disposa le roi tartare à embrasser la religion du pays qui le produisait. Mais un flacon ne suffit pas ! Ce fut un échec ! Le missionnaire nous laisse entendre que si le vin de Mantes ne lui eût manqué, le fils de Genghis Khan se fût déclaré chrétien !
Bientôt, la fortune est telle… que l’une des abbayes fondées à Soissons prendra pour nom Saint-Jean-des-Vignes… Une fortune qui fera le bonheur profane de villes bien situées sur les grandes routes du vin, comme Gournay-en-Bray ou Bapaume qui encaisseront de généreux péages.
Car le vin circule ! Par voie d’eau : sur la Garonne, le Rhône, la Saône, la Loire et la Seine. En Lorraine, sur Moselle et Meurthe. Par voie de terre, sur de lourds chariots à quatre roues tirés par huit chevaux, capables de porter quatre tonneaux de trois muids, soit environ 27hl, soit environ 3 tonnes !
Si le vin circule… c’est que le vin se consomme !
Les 60 moines de l’abbaye de Longpont, près de Soissons, en consomment pour le seul besoin liturgique environ 17 hl/an. Le reste, ils le boivent à table et le partagent, parfois, avec… les pauvres.
C’est que… l’exemple vient d’en haut !
1342. Pour le couronnement du pape Clément VI en Avignon, on boit 1600 hl de vin au Palais Vieux et dans les rues où des fontaines de vin coulent durant 4 semaines !
1352. Couronnement d’Innocent VI. La consommation de vin nécessite l’achat de 2000 cruches, 5000 gobelets de verre, 3000 verres à pied, et plusieurs centaines de verres d’honneur pour le Pape et les cardinaux ! (Le couronnement de Benoît XVI est trop récent … les quantités n’ont pas encore été communiquées !)
En ces temps-là, d’ordinaire, sans fête ni couronnement, on consommait au palais d’Avignon 105 hl de vin par semaine, dont 10 hl pour la seule table du Pape ! Et la ville, autour du palais, était en perpétuelle effervescence. Sa population était passée, de quelques milliers avant l’arrivée du Saint-Père et de sa cour, à… 30 000 h. Tavernes, auberges, étuves et bordels étaient pleins en permanence. On ne parlait plus d’Avignon qu’en ces termes : la « Babylone du siècle ».
Et les marchands, eux, se frottaient les mains !

Extrait de ma conférence : Vignes et vins, Bacchus d'hier à demain ! Image : CABU in Les mots du vin et de l'ivresse, de Martine Chatelain-Courtois éd. Belin 1993 dont je recommande chaleureusement la lecture. Si on veut en savoir beaucoup sur le vignoble français et ses productions, voir le site PAGES-VINS (dans Mes sites et blogs amis).

jeudi 18 septembre 2008

Versailles... ambassade états-unienne !

Belle mise en abîme que l’installation temporaire des œuvres d’un des artistes les plus populaires dans un des monuments les plus fréquentés du monde.
C’est la question de l’in situ qui est sous-jacente à cette proposition.
De nombreuses institutions culturelles ont tenté ces dernières années des confrontations entre le patrimoine historique et l’œuvre contemporaine. La radicalité de cette exposition nous semble différente tant par le lieu choisi que par la systématisation du parcours. Echo, dialectique, opposition, contrepoint… il ne nous appartient pas de trancher. Ce moment unique veut avant tout susciter la réflexion sur la contemporanéité de nos monuments et l’indispensable nécessité de la création de notre temps.
Telle est la présentation par ses commissaires de l’ « exposition » de l’ « artiste » Jeff Koons greffée sur le château de Versailles comme une bouture de ronce sur un platane.
Mise en abîme… in situ… sous jacente… confrontations… radicalité… systématisation du parcours… écho… dialectique… opposition… contrepoint… contemporanéité…
Ah, Molière… Où es-tu ? Comment aurais-tu mis en scène ces… hommes savants ?
Suffit-il d’un abîme de verbiage pseudo intellectuel, pur produit des salons parisiens contemporains, pour nous faire croire qu’il s’agit là, avec la présence de ce Jeff Koons dans les appartements royaux, d’un très grand moment de la vie artistique planétaire ?

Suffit-il de quelques mots prononcés par de prétendus initiés pour nous faire prendre les vessies pour des lanternes ?
Ne cherche-t-on pas plutôt à nous faire oublier que cet étalage de la décadence états-unienne est organisé par le président de Versailles Jean-Jacques Aillagon aux seules fins de servir les intérêts de son généreux protecteur et ami François Pinault ?
Il ne nous appartient pas de trancher… peut-être !
Mais, Versailles étant un établissement public, il nous appartient de… payer !
Et de… nous taire !
Alors… motus et bourse décousue, iconoclastes !

Image Louis XIV par Hyacinthe Rigaud musée du Louvre photo GL

mardi 16 septembre 2008

Lundi noir...

Ils gagnent !
Vous l’aviez compris : il n’est pas question, là, des footeux de l’équipe de France dont la récente victoire peut être comparée au dernier soubresaut du moribond, mais… des banquiers ! À force d’avoir joué sur du vent (je ne parle pas des éoliennes, mais des banquiers !) ils ont fini par récolter la tempête ! L’effondrement états-unien de Lehman Brothers qui vivait largement au-dessus de ses moyens, comme les États-Unis eux-mêmes et de nombreux États de par le monde (dont la France), entraîne par effet de dominos tous les autres grands joueurs financiers du moment. Suite à cette débâcle anglo-saxonne que la Maison Blanche ne parvient plus à contenir, la Bourse de Paris (et bien d’autres) a connu un nouveau lundi noir. Si faire des bulles (je ne parle ni des enfants, ni du Pape, mais des banquiers !) peut distraire un moment, ça ne garantit pas l’avenir, pas même le présent qui peut vite devenir calamiteux ! La preuve : BNP Paribas a perdu en une seule journée 7,16%, Crédit Agricole 9,19%, Dexia 9,25%, Société Générale 9,64% et Natixis… 14,61% !
L’émotion est vive chez tous ceux qui, jusque là, ont pris un immense plaisir chaque jour renouvelé à jouer avec… les jouets volés aux autres (je ne parle pas de garnements de cour d’école, mais… des banquiers !). Une émotion que doivent ressentir les joueurs de poker dont chacun sait que l’art pratiqué est, avant tout, celui de la frime et du mensonge. Ce qui est grave n’est pas qu’ils s’émoustillent le bas-ventre en buvant un bouillon de dollars, mais qu’ils le fassent boire à leurs « clients » après avoir pris le soin de se protéger eux-mêmes contre l’empoisonnement conséquent.
Car ils seront nombreux, les petits épargnants ou propriétaires de comptes courants alimentés par une paie misérable rackettée par ces gens sans foi ni loi (je ne parle pas des pirates de l’océan Indien, mais… des banquiers !) qui devront payer les pots cassés par ces prétendus « grands patrons » ! Souvenons-nous du Crédit Lyonnais et de l’incendie « accidentel » de son siège qui coûte si cher au contribuable ! N’oublions pas la Société Générale et son pédégé remercié après avoir empoché 5,2 millions d’€uros ! Observons le Crédit Agricole dont le brillant patron a délesté le patrimoine de quelque 6 milliards, dans le même temps qu’il s’octroyait près de 3 millions d’€uros d’émoluments supplémentaires (soit + 46%). Oui, entretenons notre mémoire (notre seul bien en propre susceptible de leur échapper !) et aiguisons nos sens afin de mieux surprendre les mains qui piquent dans nos poches les moyens de continuer leur si passionnante partie de poker.
Car si eux sont les joueurs, nous sommes les perdants !
Aux larmes, citoyens !

dimanche 7 septembre 2008

Lumière d'Aurore

Lumière d'Aurore...
Aurore Mongel championne d'exception
est mon deuxième livre à paraître dans quelques jours.
Il relate, de sa naissance dans les Vosges aux dernières heures de sa participation aux Jeux Olympiques de Pékin, le parcours de cette jeune athlète exceptionnelle, son courage, sa volonté inébranlable d'atteindre l'objectif qu'elle a elle-même choisi, ses rêves d'enfant, ses premières épreuves, sa montée en équipe de France, ses seize kilomètres quotidiens dans le bassin du Mulhouse Olympic Natation au côté de Laure Manaudou, son titre de Championne d'Europe 2008 du 200m papillon, son aventure olympique d'Athènes en 2004 puis, heure par heure, sa vie au village olympique de Pékin et les compétitions où elle s'est brillamment comportée.

Lumière d'Aurore

c'est aussi l'accompagnement sans faille de ses parents, le soutien des amis et d'une population tout entière, les encouragements... des élus et commerçants de sa ville, Nomexy, à... Jacques Chirac alors président de la République, le travail acharné avec son entraîneur Lionel Horter, la vision humaniste du sport du Directeur Technique National de la Fédération nationale de Natation Claude Fauquet, la fidèle amitié de très grandes championnes (Roxana Maracineanu, Laure Manaudou...) et... l'amour de son compagnon Julien Nicolardot, lui aussi nageur de très haut niveau, champion des Etats-Unis et participant aux JO de Pékin, spécialité Brasse.

Lumière d'Aurore...
une vie de sportive de grand mérite, et de jeune femme... exemplaire !
Le livre sera dans toutes les librairies de France dès le 15 septembre.
218 pages dont 8 pages de photos quadri.
Ed. ESKA, 12 rue du Quatre-Septembre - Paris

jeudi 4 septembre 2008

Les Visiteurs 3

Avec ses près de quatorze millions d’entrées, le premier épisode des Visiteurs avait réussi un véritable exploit qui le plaçait dans l’histoire du cinéma français juste derrière La grande Vadrouille. On se souvient de la projection dans notre année 1992, suite à une erreur de manipulation ou de dosage de l’enchanteur local, du fou d’amour Godefroy de Papincourt, comte de Montmirail et de son valet Jacquouille la Fripouille. Avec eux, la France du moment avait oublié, entre autres : l’entrée en vigueur de la "loi Evin", l’intervention "humanitaire" en Somalie, les affrontements en ex-Yougoslavie, l’affaire du sang contaminé, et la guerre en Angola…
Les couloirs du temps, second épisode de ces Visiteurs avait déjà manqué de souffle. À sa sortie, en février 1998, il n’avait pas réussi à éclipser l’assassinat du préfet Érignac, en Corse, ni la mort de l’homme des volcans reconverti dans le chaudron politique Haroun Tazieff. Peut-être cet épisode avait-il été masqué par l’adoption de la fameuse loi fixant à 35 heures la durée de travail hebdomadaire ! On avait cru alors épuisée la veine de situations comiques engendrées par le choc des cultures d’époques fort différentes.
Et on s’était trompé !
Retour à Porto-Vecchio, le troisième épisode, vient de sortir sur nos petits écrans. Avec une distribution à peine modifiée, mais dans un style très différent : le tragi-comique ! On y retrouve Jacquouille la Fripouille, le gendarme, et le monarque. Mais dans une situation trop primaire pour être crédible : sur une île paradisiaque, une bande d’indigènes décide de visiter sans y avoir été invités, au nez et à la barbe du gendarme, la propriété d’un autre âge appartenant à de curieux personnages qui ne partagent en rien leur mode de vie, ni leurs valeurs. Ils entrent, font le tour du jardin, pénètrent dans la maison, la découvrent comme ils le feraient d’un musée, rient de ceci, plaisantent de cela, puis repartent comme ils sont arrivés… les mains dans les poches vides. Pas de quoi fouetter un chat ! Des centaines, des milliers de propriétés sont visitées chaque jour en France à l’insu de leur propriétaire, pillage et saccage en sus, sans pour autant déclencher un séisme politique, parfois même sans émouvoir les représentants de la Loi ! Or, là, les conséquences de la visite vont mettre cul par-dessus tête l’administration du royaume, et le royaume lui-même, obligeant le monarque en personne à se déclarer étranger à cette affaire de voisinage rural. Peu crédible !
Rien dans cet épisode, probablement le dernier, qui déclenche le rire, ce bon rire indispensable à la santé… rien pour inviter seulement au sourire ! Rien pour détendre en ces temps de trop grande inquiétude, voire détresse. Mais tout pour inquiéter ! Car si les scénaristes sont en panne d’imagination à ce point, c’est que notre société manque cruellement d’oxygène, de bon sens, et… de générosité ! Pauvre cinéma !
Même si leur succès invitait déjà à s’interroger sur notre état mental collectif, les Ch’tis valaient bien mieux que cette mauvaise tragi-comédie de fin d’été interprétée par des acteurs... très fatigués !

lundi 1 septembre 2008

Les Anneaux de la Fiancée - 3 - TERRE (suite)

C’est dans la bulle glacée de Saalbach-Hinterglemm que je t’ai aperçue pour la première fois. Dans la bulle verte pendue à son fil d’acier, en lente ascension vers la piste noire des sommets noyés dans les brumes.
En bas clignotaient les fermes du pays de Salzbourg blotties autour de saint Etienne à croix de Lorraine, luisaient les toits couverts de neige entre les rues à manèges. En bas, les odeurs de vin chaud, de saucisses au feu, les cavalcades de calèches couvertes de fourrures tirées par des frisons frisés empruntées par des élégantes à manches ballon et caracos brodés posés sur des jupes fleuries.
En haut, ciel, montagne et nuées sombres étirées par le vent d’altitude. En bas, la ville, les touristes en fuseau fluo, les paysans en culotte de cuir, les chapeaux verts ornés d’une plume de geai. À mi-pente, la bulle verte pendue à son fil d’acier suspendu au sommet noyé dans les brumes d’altitude, mon regard dans la bulle, et toi, pendue au fil de ton portable qui sonne, sonne encore, sonne toujours. Depuis la gare du téléphérique, il n’a pas cessé de jouer la partition électronique de la Lettre à Élise*. Pour rien. Pour moi peut-être. Pour moi sûrement. Tu es si belle ! Trois fois déjà tu l’as tiré de ta poche, ton portable, tu as tapoté ses touches, tendu l’oreille vers sa sonnerie, claqué son volet bleu. Trois fois, tu l’as fourré nerveusement dans ta poche. Trois fois. Sans me voir. Moi qui ne voyais plus que toi.
En bas, les rues s’égarent dans des masses de neige et les flots d’une foule excitée par les vapeurs de vin chaud à la cannelle et le parfum suave du crottin. En haut, la brume s’entrouvre sur des espaces aveuglants. À mi-pente, là où tu es, je suis. Dans la bulle verte pendue à son filin d’acier. Avec les autres sans couleur, sans regard et sans voix**, des silhouettes, rien que des silhouettes, à peine des silhouettes, des ombres d’ombres révélées par ta seule lumière, ces autres ballottés dans la bulle verte comme un pendule à son fil d’acier. Bras noués sur les skis, je suis des yeux tes yeux, tes gestes, tes mimiques, tes soupirs agacés par la mélodie électronique de la Lettre à Elise. Où que tu ailles… quoi que tu fasses… je te suis désormais, toi la Petite Marie du grand Germain*** de mes années collège ! Je te suis comme je suivrais le diable à sa mare mystérieuse.
* Pièce pour piano de Ludwig van Beethoven.
** Victor Hugo Ce siècle avait deux ans…
***
George Sand La Mare au diable

(...) Nous avons sauté sur les galets, tiré les machines, escaladé la falaise, lâché les machines au pied du phare, ouvert les bras sur le ciel, la mer et leurs oiseaux blancs. Il était grand temps ! Déjà les eaux grondaient, plus bas, dans la passe aux galets sur nos traces humides. Déjà l’île voguait au large, sans voiles ni attaches, ni autres passagers que nous deux. Nous étions seuls, le temps d’une marée. Absolument seuls !
Puis tu as sorti tes couleurs et la toile. Puis le soleil nous est tombé droit sur la tête. Alors, j’ai vu tes doigts bleus, jaunes, verts fouiller dans les sacs ventrus, sortir le pain, le vin, le fromage, les crevettes de l’île et les fruits de partout. Et les galettes du continent. Dans mon creux de pelouse d’où je comptais les plongeons de cormorans, sans perdre du regard le phare naissant de ta toile, j’ai su qu’il faisait faim. Je me suis approché, t’ai volé un baiser, puis deux, puis trois, ai mordu le pain blanc de ton cou salé que j’ai léché jusqu’à plus sel. La mer papotait sous nos pieds. Dans l’ombre de midi et les vapeurs d’océan s’estompaient les créneaux de sainte Sarah tout proches. Les mouettes rieuses tournaient autour de notre festin. Tu leur fis des signes, lança des boulettes de pain qu’elles gobèrent en plein vol. Puis, à plat dos sur la pelouse rose d'arméries, rassasiée, tu as offert aux nuages en lente croisière vers la terre le plaisir de te prendre.
J’ai eu envie de toi. Comme toujours.
Agenouillé dans l’herbe rase de la lande, comme un nuage doux, j’ai posé un baiser de ciel sur tes lèvres fraîches. Puis un autre. Un autre encore.
Les mouettes rieuses jouaient dans le vent. Les pipit maritimes s’étonnaient de notre présence. Au loin, ronronnait la houle infinie...
Ce roman Les Anneaux de la Fiancée - 3 - TERRE sera en librairie à partir du 15 septembre.