lundi 29 août 2022

 

A propos de mon roman « Les Silences de Julien » (Presses de la Cité-2021)

Analyse de Brigitte PETIT - Psychologue clinicienne

Auteure de « Pour une approche plurielle de la schizophrénie » (Ed. d’écarts coll. Diasthème)

 

Bonjour,

Je viens de terminer votre livre « Les silences de Julien » et je souhaitais partager ce retour de lecture avec vous.

Les silences de Julien est un livre plein d’humanité qui réenchante un monde qui en a bien besoin. Il y a également, distillé dans le récit de cette histoire, un certain nombre de valeurs, la réprobation de positions ou attitudes qui prennent le risque d’égratigner quelqu’un et une certaine philosophie du prendre soin de l’autre dans les rapports humains. Et puis il y a la musique, le bois et la nature que vous décrivez parfois un peu à la Giono, dans ce que la nature contient de vie et de bonheurs à saisir pour qui sait le voir, l’entendre, le sentir ou le toucher.

Alors quelques associations en lisant le livre.

D’abord le personnage de Baptiste Bécart, homme singulier plein de sagesse par qui passera, entre autres, la transformation de Julien. Ce personnage, est un être bienveillant qui apaise, soulage, encourage et surtout sait faire confiance. Pour avoir confiance en soi, encore faut-il que quelqu’un un jour nous fasse confiance. Il a quelque chose du maître (au sens noble du terme), un peu mystérieux, solide. On imagine qu’il a dû traverser ou négocier lui-même des passages délicats dans sa vie. Sa passion est probablement sa force et son refuge.

Alors, Bécart, me fait penser au signe bécarre en musique, ce signe qui redonne à la note qui en est affectée, sa tonalité naturelle. Julien va découvrir « sa tonalité naturelle » à la fin du roman. Pas celle qu’on lui a imposée une bonne partie de son enfance et de son adolescence du côté du handicap ou de la maladie. Baptiste, celui qui baptiste, qui fait rentrer l’être baptisé dans une communauté à laquelle il appartient de plein droit et non dans les marges. Julien va réintégrer la communauté des gens comme tout le monde, sans étiquette dans le dos, grâce en grande partie à Baptiste Bécart. Dans votre roman, vous décrivez tout le long du livre comme un ostinato « l’écharpe de grosse laine grise à larges rayures noires » de Baptiste. Là, énigme pour moi ! Avez-vous une réponse ?

Léopold Malard : c’est le moins sympathique des personnages, celui qui provoque la souffrance de certains et plus particulièrement celle de Marianne et Julien. On ne sait pas pourquoi l’enfant de Jules et Léonie est devenu un tel être narcissique en quête de reconnaissance qui s’appuie sur les autres jusqu'à les écraser voire qui les utilise pour trouver un bonheur qui se dérobe toujours car ce qu’il cherche ne lui est pas accessible. Peut-être sortir de sa condition de fils de paysans ? Si c’est important pour lui, le seul moyen d’échapper au fait de souffrir d’être fils de paysan c’est d’accéder à une image plus pacifiante du paysan proche de la nature et d’aimer et s’approprier en partie ce qu’elle offre. C’est ce qui se passera vers la fin du livre, lorsqu’il envisage de s’installer à Fabimpré. En se réconciliant avec ses souvenirs, ses parents (en partie), il se réconcilie avec lui-même. Son discours dans l’avion qui l’emmène avec Cynthia aux Etats-Unis est intéressant. Le personnage semble faire son mea-culpa (et cela nous fait du bien aussi à nous lecteur) mais il ne change pas. Des regrets, pas de culpabilité. Et puis sa « nature » (avec ou sans bémol ou dièse) reprend le dessus avec cette injonction à Cynthia « D’ailleurs, je te remercie de ne plus jamais me poser ce genre de question. D’accord ? » Cela recommence, cette tentation de faire plier l’objet pour obtenir ce qu’il veut (il ferait mieux comme son fils de façonner le bois afin d’accéder à la résonnance souhaitée du violon ou de la viole d’amour et non faire plier l’autre). Léopold n’est pas complètement antipathique. Il est juste souvent insupportable. Il sait aussi mettre profil bas devant Marianne qui se fâche ou Julien qui s’oppose et on se demande pourquoi Marianne ne l’a pas fait plus souvent et très tôt dans leur relation. On sent une forme de souffrance en lui qu’il fuit comme il peut. Souhaitons-lui de trouver enfin du bonheur à partager, sans qu'il soit obligé de le voler aux autres.

Julien bien sûr. Je ne peux que vous rejoindre dans les errements de ces professionnels de santé qui collent étiquettes et conduites à tenir. Julien est-il autiste ? Tout dépend comment on perçoit l’autisme : maladie, handicap ou attitude humaine plus ou moins marquée ? Les silences de Julien sont des pauses dont il semble avoir besoin. Déclamer des poésies aussi. Julien a eu la chance d’avoir des briques solides et suffisamment malléables pour se construire : sa mère, George, ses grands-parents, Baptiste et la tendre et authentique Fabienne, Gaillard le cheval, le bois, la viole d’amour et bien d’autres choses encore auxquelles appartiennent les cailloux qu’il jette à l’eau à la fin du livre. On voit comment les mots qui manquent à nommer l’incompréhensible qui le tourmente, il les trouve dans la lecture de classiques, dans l’expérience sensible de ces auteurs d’exception qui ont compris eux tant de choses (y compris ce que l’on ne comprendra jamais tout en sachant s’en passer). Les mots du livre lui parlent à défaut de symboliser quelque chose. Et c’est déjà pas mal. Il entend les mots écrits, pas toujours les paroles des autres. Ou alors un autre absent, mort et toujours vivant : l’auteur éternel. Le basculement vers la résilience voire la renaissance ou la naissance semble se dérouler lorsqu’il découvre cet instrument en construction. La couleur, la texture, l’odeur, la forme du bois et tout ce qui tourne autour de son traitement (colle, vernis, sons…) autant de sensorialités qui le mettent sur la voie de l’envie ou plutôt du désir. Désir ou défi à relever, en tout cas une direction où concentrer son énergie à vivre pour oser grandir, se séparer et rencontrer. Toute colère (aussi difficile soit-elle) est toujours une manière de canaliser cette vie qui ne prend pas la tournure qu’on souhaite et d’en éprouver de la rage. Ce n’est pas que de l’angoisse ou de la frustration comme on présente souvent ces colères ou crises clastiques, quand on n’évoque pas les pulsions de mort, d’autodestruction, etc. La violence est souvent un appel à la vie. Prendre la viole d’amour, c’est prendre la vie adulte à bras le corps. Si on arrive à façonner un bois pour qu’il produise de la musique qui touche les cœurs, alors par translation, on peut prendre sa vie en main. En tout cas, l’alchimie fonctionne avec Julien. Et nous partageons avec Julien, lecteur que nous sommes, la belle issue d’un être qui a eu de la chance mais qui a su aussi la saisir.

Quant à Marianne et George, deux êtres qui savent ce qu’est la souffrance. George, probablement a-t-elle appris à apprivoiser celle des autres, à la soulager, la transformer, la bonifier et depuis longtemps. Marianne, cette souffrance lui est tombée dessus probablement lors de sa rencontre avec Léopold. Elle est donc plus démunie, plus vulnérable.

J’ai apprécié dans ce livre la place que vous donnez à la musique classique (que j’écoute quasi exclusivement depuis plus de 50 ans), la nature, le rapport simple aux choses sans grand discours, le partage discret d’émotions qui n’enlève rien à leur intensité, le rapport à l’autre à la fois proche (cette présence forte et disponible) et à distance comme pour signifier le respect que l’on accorde à l’autre.

Vous m’avez donné envie de revisiter les Vosges (où je suis allée il y a 30 ou 40 ans), déambuler dans Mirecourt pour admirer ses lutheries et humer l’ambiance de ces villages.

Votre livre est un voyage à lui seul qui en rappelle ou en appelle d’autres et l’histoire de Julien une belle leçon de vie.

Voici mon retour de lecture de votre livre dans lequel j’en dis autant de la manière dont je l’ai reçu et ce qu’il a provoqué en moi que ce que vous avez conté. C’est la force du livre de provoquer des rencontres et des partages de sensibilités.

J'espère que comme nous à Nantes, vous profitez de cette fin d'été sans canicule. Bon courage à vous pour la reprise.

Bien cordialement,

Brigitte

 Brigitte PETIT Auteure de « Pour une approche plurielle de la schizophrénie » (Ed. d’écarts coll. Diasthème) - 24 08 2022


 

samedi 30 juillet 2022

Regarde ô peuple... Servitude et misère !

 

 

 


 "En passant sur cette terre, comme nous y passons tous, pauvres voyageurs d’un jour, j’ai entendu de grands gémissements : j’ai ouvert les yeux, et mes yeux ont vu des souffrances inouïes, des douleurs sans nombre. Pâle, malade, défaillante, couverte de vêtements de deuil parsemés de taches de sang, l’humanité s’est levée devant moi et je me suis demandé : Est-ce donc là l’homme ? Est-ce là lui tel que Dieu l’a fait ? Et mon âme s’est émue profondément et ce doute l’a remplie d’angoisse. (…)

Regarde ô peuple, s’il n’est pas temps de justifier l’Auteur des êtres, en te créant un sort plus conforme à sa justice, à sa bonté.

Tu dis : J’ai froid ; et, pour réchauffer tes membres amaigris, on les étreint de triples liens de fer.

Tu dis : J’ai faim ; et on te répond : mange les miettes balayées de nos salles de festin.

Tu dis : J’ai soif ; et l’on te répond : bois tes larmes.

Tu succombes sous le labeur, et tes maîtres s’en réjouissent ; ils appellent tes fatigues et ton épuisement le frein nécessaire du travail.

Tu te plains de ne pouvoir cultiver ton esprit, développer ton intelligence, et tes dominateurs disent : C’est bien ! il faut que le peuple soit abruti pour être gouvernable ! (…)

Peuple, écoute ce qu’ils t’ont dit, et à quoi ils t’ont comparé.

Ils ont dit que tu étais un troupeau et qu’ils en étaient les pasteurs : toi, la brute ; eux, l’homme. A eux donc ta toison, ton lait, ta chair. Pais sous leur houlette et multiplie, pour réchauffer leurs membres, étancher leur soif, assouvir leur faim.

Ils ont dit aussi que la puissance royale était celle d’un père sur ses enfants toujours mineurs, toujours en tutelle. Sans liberté dès-lors et sans propriété, le peuple éternellement incapable de raison, incapable de juger  de ce qui lui est bon ou mauvais, utile ou nuisible, vit dans une dépendance absolue du prince, qui dispose de lui et de toutes choses comme il lui plaît.

Servitude encore et misère."

Extraits de Le Livre du Peuple publié en 1837 par Félicité de La Mennais dit Félicité Lamennais (1782-1854). Prêtre, théologien, député, philosophe, emprisonné pour avoir défié la pensée unique de son temps, ce clerc est l’un des fondateurs du catholicisme social. Ses constats alimentèrent la révolte qui aboutit à la révolution de 1848, entraînant la chute de la Monarchie de Juillet et l’avènement de la IIème République. 

Où en sommes-nous, aujourd’hui ?


 

 

dimanche 10 juillet 2022

OTAN, suspends ton vol !


  OTAN, suspends ton vol !

Retour de Nancy au volant de ma vieille voiture thermique, voilà trois jours, longeant une Moselle indifférente aux convulsions humaines, j’ai vu flotter au fronton d’une mairie rurale deux drapeaux ukrainiens. Pas de drapeau français… pas de drapeau européen… encore moins de drapeau lorrain ! Les mêmes que ceux brandis dans le monde occidental dit « libre » par les facteurs de bonne conscience : deux drapeaux ukrainiens ! Comme si, du plus profond de nos campagnes au plus élevé de la Tour Eiffel, du Storting norvégien au Reichstag prussien, l’Europe entière était devenue la banlieue de Kiev !

Affirmation d’une méconnaissance crasse de notre histoire, de la négation de nos racines, de l’ignorance du passé -et du présent- de ce pays tumultueux riverain du Dniepr, cette exhibition jaune et bleue révèle une profonde haine de la diplomatie de paix et de notre avenir de peuples d’Europe !

Car…

Qui s’étripe là-bas ?

Quels psychopathes prétendus « chefs d’Etat »  poussent les somnambules que nous sommes vers le nez d’une falaise d’où ils nous précipiteront bientôt en masse si nous ne savons pas trouver les clés de la nasse qu’ils ont tressée pour nous ?

Au Couchant, en ces lieux que d’aucuns nous présentent encore comme le pays merveilleux du « rêve américain », entre d’inaudibles balbutiements, d’étranges errances mentales et une chute hollywoodienne de vélo, la momie Biden impose à la planète sa vision d’un monde cocacolisé et hamburgisé, fournit des armes et de la verte monnaie de singe biblique -In God we trust - à celles et ceux qu’il considère comme ses sujets naturels, vassaux dociles, les obligeant à la stratégie originelle des couards manipulateurs : « Prenez les outils, je prends les commandes ! »

Au Levant, sur des terres semées de graines communistes que les violents orages du pire siècle de tous les temps ont transmutées en toxiques plantes soviétiques, entre le bien mal nommé Pacifique et un Oural légendaire, l’ancien espion nouveau tsar Poutine tente de reconquérir les provinces perdues d’un empire russe peuplé de moujiks chrétiens orthodoxes et de tartares musulmans, à la manière de la France obsédée après 1871 par la reconquête de l’Alsace-Lorraine englouties par l’ogre Bismarck dont la volonté hégémonique Got mit uns vit encore de beaux jours.

Entre les deux, au centre névralgique d’une Europe imaginée par Victor Hugo, dessinée par Robert Schuman, massacrée par Jean Monnet, joue un acteur de quatre sous, aussi mauvais artiste comique qu’Hitler était mauvais peintre qui, poitrail moulé en kaki, au mépris de tous les accords internationaux laborieusement signés avant son avènement, a enfin trouvé le rôle de sa vie sur la scène d’un théâtre d’ombres arrosée de larmes et de sang, celui d’un incendiaire adulé par des pairs « élites autoproclamées » aveugles et incultes, acharnés à se surpasser les uns les autres dans la compétition du pire. Zelinski que tous les petits « grands » rencontrent, que chaque « parle-ment » mobilisé applaudit debout, que tous les plumitifs encensent par souci de conformité germanopratine jusqu’à dessiccation de la pensée !

 Autour de ces maléfiques Pieds nickelés, ronronne la cour des soupirants, affamés de reconnaissance universelle, malades d’amour d’eux-mêmes au point de s’oublier dotés de raison, conquérants d’un ridicule qui, contrairement à l’assertion populaire, peut, va tuer ! Présidents de républiques devenues bananières, maîtresse d’Union étoilée perdue dans les ténèbres de son ego, reines et rois d’opérette, tous monarques au socle d’argile… écoutent, admirent et se prosternent devant eux, chacun plus empressé que l’autre à leur laver puis baiser les pieds !

Avec tous ceux-là et la pièce écrite à six mains par les auteurs à succès de Massacres à l’école, de Gaffe… je sors mon nucléaire ! et de La Mer noire sera rouge, le vingt-et-unième siècle et sa nouvelle guerre de religions tient enfin son grand « théâtre d’opérations » dont le rideau tombera bientôt devant une salle pleine de cadavres irradiés.

Pauvres peuples !

Nul doute que, « Au bord d’un grand lac de sang / Sous un grand tas de morts » (Baudelaire), une fois remis en selle sur son vélo hollywoodien et stabilisé à la verticale par ses haubans bibliques, si les somnambules que nous sommes ne se réveillent pas, le momique metteur en scène états-unien aura réussi son annexion du monde et imposé aux rares survivants de la terre de s’abreuver à la cocaïne gazeuse et de s’obésifier à la malbouffe prédigérée !

Deux drapeaux sur une façade de mairie, quelque part en Lorraine…

OTAN, suspends ton vol… (Lamartine)

Il est temps !

GL 10 07 2022