mercredi 30 avril 2008

Il y a longtemps que je t'aime...

A coeur ouvert... lettre ouverte à Philippe Claudel.

Mon cher Philippe,
La semaine passée, par téléphone, je t’avais dit que j’irais voir ton film Il y a longtemps que je t’aime dès son arrivée dans notre petite ville de Mirecourt (berceau du Roger Viry-Babel -tu lui dois beaucoup, dis-tu- et de nos violons). C’est fait. Hier soir.

Des années que je n’avais pas vu un film aussi beau, aussi dur, et aussi puissant ! Tu m’as fait pleurer, oui, et je suis fier de le dire, pleurer ! De douleur et de bonheur à la fois !
En ces temps de brutes épaisses, tu vas chercher derrière l’apparente incarnation du mal, le grand, le pur et le généreux qui, avant tout, fonde le genre humain. Quel courage ! Tu refuses de hurler avec les loups contre les loups. Tous tes livres nous l’avaient déjà révélé, aussi bien -pour les plus récents- Les Âmes grises que Le Rapport de Brodeck. Tu les fréquentes sans cesse, ces loups, sur nos trottoirs et dans leur tanière, tu leur répètes sans cesse que leurs jugements ne sont qu'asservissements, que leurs crocs ne sont que des ornements naturels et/ou des outils nécessaires à la survie, qu’ils ne te font pas peur. Tu les rencontres pour leur répéter que, bien qu'ils mettent /soient mis au ban des vivants -tous les vivants !- au nom de / par une société archaïque, quoi qu’ils fassent, ils sont de ton monde, de notre monde, et qu’ils ont droit à l’amour ! Qu’ils ne te font pas peur ! Oui, mon cher Philippe, tu m’as fait pleurer, et… réfléchir ! Je suis sorti hier soir de la salle du Rio, à Mirecourt, labouré dans ma tête et dans mon cœur comme une prairie après le passage d’une harde de sangliers, mais éclairé ! Ton long voyage au centre de la détresse, à l’époque où tu enseignais dans nos prisons, ta difficile exploration des misères de l’âme humaine ont fait de toi un porteur de Lumière. Il y a longtemps que je t’aime révèle, rayonne, illumine ! Tout ça dans des images d’une simplicité somptueuse, niché au fond de dialogues d’une justesse rare, incarné par des comédiens oublieux de leur métier et vrais, profondément vrais !
Des années que je n’avais pas vu un film aussi beau, aussi dur, aussi puissant, aussi généreux !
Je ne suis pas prêt de l’oublier ! Jamais !
Tu es à l’autre bout du monde en ce moment. Et tu nous manques, ici, en Lorraine. Mais peu importe notre besoin de te garder chez nous, pour nous ! L’important est qu’ils profitent bien de ta présence, celles et ceux que tu rencontres, là-bas où tu es, et qu’ils apprennent à voir par… ton regard. L’important est que ce regard sur l’âme humaine, le tien, soit désormais partout où vivent les hommes. Car c’est un regard bon, générateur d’espoir.
Dans ce monde de brutes épaisses, nous sommes bien là, avec toi et grâce à ta création… au cœur de l’essentiel !
Merci, mon cher Philippe.
Je t’embrasse très fort.
Gilles
PS : Lumière pour Lumière : je t'offre celle de ce matin, un lever de soleil lorrain sur la forêt, face à mon bureau.
photo GL

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour Gilles Laporte,
Je découvre votre blog et j'avoue que votre ton impertinent et trop souvent juste (hélas pour nous !) me plaît beaucoup.
A propos du film de Philippe Claudel, je partage complètement votre sentiment. J'ai été personnellement bouleversée en le voyant et je n'en suis partie sortie indemne. Aujourd'hui encore, il m'interroge et tant mieux.
C'est un grand film et Philippe Claudel, en plus d'être un excellent écrivain, est un grand réalisateur. Vivement le prochain !
Amitiés.