lundi 25 août 2008

Promenade à Sion - 15 (fin)


Je franchis la balustrade en fer forgé sortie des ateliers de Jean Lamour en 1753, contourne le maître-autel, descend les quelques marches de l’abside. Il fait plus sombre là que dans la nef, plus sombre que dans la croisée de transept, plus sombre dans la mémoire que partout ailleurs sur la Colline. Élevée par Henri III de Vaudémont et Isabelle de Lorraine au début du 14ème siècle dans le prolongement de la petite église primitive, elle est là, cette muraille… elle est là cette porte maudite, fermée depuis longtemps déjà, murée de pierres, de briques et de volonté politique, par-dessus le corps de sœur Thérèse qui, couchée sur son pas, voulait empêcher le travail sacrilège du maçon ! C’est que, ensemble, le sabre et le goupillon avaient décidé d’interdire l’accès de l’église aux trois excommuniés Baillard. Le prétexte de leur relation avec la secte vintrasienne avait permis de souffler la flamme qu’ils entretenaient avec fougue : la Lorraine ducale ! La porte murée condamnait le pays annexé depuis peu à l’oubli de soi et à l’accueil du récent souffle révolutionnaire mêlé aux terribles vents d’ouest ! Me revient, devant cette porte murée, l’anecdote du mur des Fermiers Généraux, quelques mois avant la Terreur, et ces mots de ritournelle que je change à peine : « Le mur murant le chœur, rend le cœur murmurant ! »
Devant ce mur de porte maudite, je me prends à rêver d’un jour où, comme bien d’autres murs érigés sur notre terre pour rejeter, isoler, emprisonner des hommes, celui-là tombera. Puissent ses pierres être alors retravaillées par des maçons libres et devenir mémorial des minorités, de toutes le minorités ! Puissent-elles, en ce lieu même où, depuis des millénaires, les humains ont fait profession de s’élever, inviter au respect de l’autre et des cultures… de tous les autres, et de toutes les cultures !
Je me prends à rêver…

Le mur murant le chœur… rend le cœur murmurant !

Ils m’avaient dit « La soupe sera au chaud ! Ton assiette sera sur la table. Avec le pain, le vin, et le fromage de chez nous. Prends ton temps !»
J’ai pris mon temps !

Tout à l’heure, quand j’aurai écrit, alors que la lune montera derrière les pommiers du verger, je rejoindrai le Père Supérieur dans son bureau. Je suis sûr que la bouteille est déjà sur la table, avec les verres et le paquet de Gitanes. Ensemble, nous fumerons, nous goûterons le whisky, et nous referons… notre monde !

Tout à l’heure, entre les deux groseilliers faméliques du potager… la fouine dressée sur ses postérieures… peut-être… son plastron blanc… et sa trace, avec d’autres, dans la neige !

FIN
GL

Ce texte a été publié dans l'ouvrage collectif "Sion, une colline d'histoire", sous la direction du professeur Philipe Martin, par : Conseil Général de la Meuse - Annales de l'Est -Université Nancy 2 - mai 2007 Image : SION au printemps 2008 photo GL



5 commentaires:

Rénica a dit…

Merci Gilles, pour ce joli voyage à la découverte du pays lorrain et son histoire. J' ai aimé la ballade et pris beaucoup de plaisir à vous lire : j'aime vraiment beaucoup votre plume et les valeurs qu'elle tranporte !
sincères amitiés

diplodocus continental a dit…

Une culture époustouflante,plus personne ne sait écrire comme cela!Un humanisme fait du respect de l'autre,de mesure de tendresse...Bref de vraies valeurs celles de la civilisation!Vous étes à méditer !

Gilles LAPORTE a dit…

Merci, chères Rénica et Diplodocus,
pour ces commentaires chaleureux.
Je pose le point final de l'un des deux livres à paraître dans quelques jours (l'autre sort de l'imprimerie), puis je reprends le rythme normal du blog.
A bientôt donc.
Amitié.
Gilles

Magali a dit…

Bonjour Gilles, ou pourrais je trouver vos prochains livres à Nancy? Merci :-)

Gilles LAPORTE a dit…

Bonjour Magali,
Mes livres seront présentés au salon Le Livre sur la Place, sur le stand de la librairie La Sorbonne où je les signerai durant les quatre jours (du 18 au 21 septembre inclus) Je vous y rencontrerai avec plaisir.
Après ce salon, ils seront dans les rayons de cette même librairie (et ailleurs en France, Fnac et autres...)
A bientôt, donc !
Amitié.
Gilles