lundi 6 mai 2013

Le Livre et... la Vie !

Discours de Federico Garcia Lorca
à la population de Fuente Vaqueros pour l’inauguration de la bibliothèque
Province de Grenade - septembre 1931.

Quand quelqu'un va au théâtre, à un concert ou à une fête quelle qu'elle soit, si le spectacle lui plaît il évoque tout de suite ses proches absents et s'en désole: "Comme cela plairait à ma sœur, à mon père!" pensera-t-il et il ne profitera dès lors du spectacle qu'avec une légère mélancolie. C'est cette mélancolie que je ressens, non pour les membres de ma famille, ce qui serait mesquin, mais pour tous les êtres qui, par manque de moyens et à cause de leur propre malheur ne profitent pas du suprême bien qu'est la beauté, la beauté qui est vie, bonté, sérénité et passion.
C'est pour cela que je n'ai jamais de livres. A peine en ai-je acheté un, que je l'offre. J'en ai donné une infinité. Et c'est pour cela que c'est un honneur pour moi d'être ici, heureux d'inaugurer cette bibliothèque du peuple, la première sûrement de toute la province de Grenade.
L'homme ne vit que de pain. Moi si j'avais faim et me trouvais démuni dans la rue, je ne demanderais pas un pain mais un demi-pain et un livre. Et depuis ce lieu où nous sommes, j'attaque violemment ceux qui ne parlent que revendications économiques sans jamais parler de revendications culturelles: ce sont celles-ci que les peuples réclament à grands cris. Que tous les hommes mangent est une bonne chose, mais il faut que tous les hommes accèdent au savoir, qu'ils profitent de tous les fruits de l'esprit humain car le contraire reviendrait à les transformer en machines au service de l'état, à les transformer en esclaves d’une terrible organisation de la société.
J'ai beaucoup plus de peine pour un homme qui veut accéder au savoir et ne le peut pas que pour un homme qui a faim. Parce qu'un homme qui a faim peut calmer facilement sa faim avec un morceau de pain ou des fruits. Mais un homme qui a soif d'apprendre et n'en a pas les moyens souffre d'une terrible agonie parce que c'est de livres, de livres, de beaucoup de livres dont il a besoin, et où sont ces livres ?
Des livres! Des livres! Voilà un mot magique qui équivaut à clamer: "Amour, amour", et que devraient demander les peuples tout comme ils demandent du pain ou désirent la pluie pour leur semis. - Quand le célèbre écrivain russe Fédor Dostoïevski - père de la révolution russe bien davantage que Lénine - était prisonnier en Sibérie, retranché du monde, entre quatre murs, cerné par les plaines désolées, enneigées, il demandait secours par courrier à sa famille éloignée, ne disant que : " Envoyez-moi des livres, des livres, beaucoup de livres pour que mon âme ne meure pas! ". Il avait froid ; ne demandait pas le feu, il avait une terrible soif, ne demandait pas d'eau, il demandait des livres, c'est-à-dire des horizons, c'est-à-dire des marches pour gravir la cime de l'esprit et du cœur. Parce que l'agonie physique, - biologique, naturelle d'un corps, à cause de la faim, de la soif ou du froid, dure peu, très peu, mais l’agonie de l’âme insatisfaite dure toute la vie !
La devise de la République doit être la culture.
La culture, parce que ce n'est qu'à travers elle que peuvent se résoudre les problèmes auxquels se confronte aujourd'hui le peuple plein de foi mais privé de lumière.
N'oubliez pas que l'origine de tout est la lumière.
Federico Garcia Lorca
Poète espagnol tombé sous les balles des complices de Franco en 1936.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

L'origine de tout est la Lumière
entièrement d'accord , c'est ma devise aussi.
les livres font partie de ma vie comme une nourriture d'autant plus que l'on a voulu m'en priver dans mon enfance....Je ne m'endors pas sans lire, je cherche toujours quoi lire...J'ai la chance de rencontrer des écrivains pour qui j'ai tant d'admiration et, de faire de soirées littéraires pour eux , pour faire aimer leurs livres. Pour faire aimer la lecture.
J'ai pu grâce aux livres m'élever sur un plan culturel et m'ouvrir à tant de choses, de lieux, de vies d'hommes et femmes, d'odeurs, de
couleurs..auxquelles je n'aurai pas eu accès sans ces livres.
Aussi je suis assoiffée et affamée de livres.
Merci pour ce bel hommage aux livres , toi qui consacre Ta VIE aux livres , aux écrivains que tu reçois,et aussi à écrire pour notre plaisir, mais surtout pour nous apprendre cette histoire Lorraine chérie à ton coeur.
amitié sincère
katy

Anonyme a dit…

en fait Garcia Lorca écrit les mêmes mots que toi.( écrit sur ton blog précédemment )
amitiés
katyL

Anonyme a dit…

Un peu d'humour
tous les jours je regarde le livre et aucune page ne se tourne !!
j'aimerai beaucoup avancer dans cette lecture....
bon
bisousssss
une "fan"

Gilles LAPORTE a dit…

Merci, ma chère Katy, pour ces réactions toujours... éclairées ! Alors là, chère amie... il faut un peu plus de concentration ! Vous verrez, c'est magique : elles vont se tourner dans votre tête ! Bonne lecture ! Je vous embrasse toutes les deux. Amitié.

Anonyme a dit…

dans ce cas je suis entièrement d'accord, les pages se tournent en effet, je lis dans ma tête une histoire d'amour , au soleil !!! ça fait du bien!!
bisoussssssssssss
"la fan" ravie