mardi 4 septembre 2012

Ecrire ou peindre...

Qu’est-ce, pour l’écrivain, que la création d’histoires, sinon le choix d’effacer sa propre vie derrière d’autres, virtuelles, dont il nourrit son œuvre ?
Ce choix de vivre d’autres vies, d’autres histoires que les siennes propres, toujours écrites par d’autres (famille, éducateurs-orienteurs, employeurs, conjoints…) conduit cet écrivain à se dépouiller de ce qu’il tenait pour environnement essentiel de son existence, à se faire admettre par un autre univers qui, pour occasionnel qu’il puisse paraître, constituera avec les autres le terreau dans lequel plongeront définitivement ses racines. Devenir camionneur, escroc international, résistant, moine, policier ou assassin, fut-ce le temps d’un livre en cours d’écriture, l’oblige à explorer le monde du camionneur, de l’escroc international, du résistant, du moine, du policier ou de l’assassin. Quant à l’auteur femme qui écrit des histoires d’hommes… ou à l’auteur homme qui écrit des histoires de femmes…
Cette vie d’écrivain est en tous point comparable à celle du peintre qui, pour peindre une pomme, doit s’oublier en tant qu’homme, s’oublier devant la pomme, se laisser gagner par sa forme, sa couleur, sa texture, son parfum et son odeur, l’intensité de la lumière qu’elle reflète, doit accepter de se laisser pénétrer par la matière pomme, devenir pomme !
Quant aux personnages ainsi créés…
Ne sont-ils pas autant de pierres dissociées d’un édifice artificiel construit par d’autres, ce moi social rarement en accord avec mon moi réel, pierres répertoriées, classées, marquées, numérotées, destinées au réemploi dans une éventuelle reconstruction, mais reconstruction d’un édifice conforme, cette fois, à mon être réel ?
Parce qu’ils sont, ces personnages, ce que je serais si j’étais eux, ils m’aident à comprendre l’autre et, surtout, à sortir de moi l’homme ancien, à lui substituer l’homme nouveau, à faire des pierres brutes qui me constituent et font de moi un être difforme et incertain, des pierres cubiques qui, assemblées, me transformeront, je l’espère, en un édifice droit, solide et fiable.
Ne pas accepter de devenir pomme, c’est, pour le peintre se condamner à ne produire jamais que des croûtes ! Refuser d’être ses personnages qui attaquent ses perversions et travers au ciseau et maillet, c’est pour l’écrivain s’obliger à ne produire jamais que des pochades inutiles, voire dangereuses parce que seulement distractives.
Or la distraction est toujours fuite de soi !
Salut et Fraternité !
 Image : Les Humbles  Gilles Laporte Huile sur toile 33x24,5 - 2001

6 commentaires:

Anonyme a dit…

J'avoue que cette image est plus belle que celle précédemment qui me torturait rien qu'à la voir.

Un écrivain ne peut se satisfaire de sa propre vie, le peintre non plus, même si cette vie grâce à l'écriture et à la peinture le plonge dans une vie riche et intense.
L'écrivain* comme le peintre* se dépouillent de leur environnement essentiel dis-tu pour se faire admettre en tant que tel** dans un autre univers occasionnel ( bien sûr)avec les autres, ces autres seront le terreau dans lequel ils plongeront leurs racines..
Une autre possibilité me vient à l'esprit, il ne se dépouille pas forcément de son environnement essentiel ( sinon c'est que cet environnement ne l'est pas " essentiel" il est aussi occasionnel que l'autre...mais s'il est essentiel il y puisera sa force, sa lumière, sa source .. et ses repaires , qui lui serviront à aller vers ces autres environnements provisoires...ceux des romans, mais ceux des rencontres littéraires ou autres.
cet environnement essentiel peut-être fait de solitude, mais il y revient toujours.

Tu demandes où est l'auteur Homme qui écrit sur les femmes ??? TOI
TOI, tu sais si bien le faire les comprendre et épouser leur peau, à mettre leurs habits!

oui la vie du peintre est comparable à celle de l'écrivain je suis à 1000% avec toi sur ce raisonnement, le sens donné à la peinture, l'investissement personnel( même pour peindre une pomme) est énorme.

Je me suis pour ma part investie dans chaque coup de pinceau , si bien lorsque je peins, je ne voit plus le temps qui s'écoule, je n'entends plus les bruits, je n'entends plus ma respiration, je suis le pinceau , mes yeux sont la couleur qui cherche la lumière.
Cette lumière me transperce, m'envahit d'un tel bien-être que je reste 5 à 6 heures d'affilée à peindre sans m'en rendre compte, je n'ai plus faim, je n'ai plus soif!

OUI les personnages nous aident car nous leur faisons dire tout haut des choses que nous pensons
nous leur faisons vivre des situations que nous n'avons pas vécu, mais qu'il aurait été possible de vivre si ...nous avions été...à chaque oeuvre une part de l'homme qui écrit ( ou la femme) se fait jour, à chaque toile aussi , nous sommes composés de multi-facettes et comme tu le dis si bien, ces facettes ( ces cubes ) s'assemblent pour ne faire
qu'un édifice droit solide et fiable.( espérons-le)

Moi aussi je voyais les choses pareillement à cette construction progressive, qui passe par l'initiation, puis l'apprenti devient maçon, et il se construit en montant les murs, il se solidifie avec le temps, même si les fondations ( l'enfance) a pu
malmener cet édifice, il finit par se construire pierre après pierre.

Un peintre devient non seulement pomme, mais ombre pour faire jaillir la lumière.
la peinture est en soi , elle colore notre vie même dans le noir et le profond désespoir, elle envahit notre être , et nous fait devenir pomme , une simple et belle pomme comme celle que tu as peinte.

C'est pour cela que je ne peux pas me borner faire de "l'alimentaire"
par peur d'avilir mon âme, certains peintres ou écrivains trouvent le bon "filon" et d'années en années de tableau en tableau tous semblables ou presque ou à une virgule pour l'écrivain, ils sortent le même ragoût!! et les badauds achètent .... pendant ce temps là les créatifs eux qui ont mis leur âme sur les toiles ne vendent pas...

Mais je préfère ne pas vendre que de vendre mon âme.

un jour quelqu'un verra
katyL

Anonyme a dit…

tu parlais tellement de pomme
que je n'avais pas vu tes belles tomates et l'aubergine, pardon!
c'est très réaliste très bien exécuté , je trouve tes natures mortes très belles à croquer
katy

Mildred a dit…

;o)

Anonyme a dit…

C'est exactement ce que je pense depuis mon premier coup de pinceau et par la suite, la première ligne de mon premier livre !
Bon "Livre sur la Place"
Je vous embrasse tous deux. J.C.

Anonyme a dit…

Tes pensees sont toujours vraies, sinceres, honnetes et "inspiring". je suis fier d'etre ton filleul. Stephane (temporairement bloque au Caire).

Gilles LAPORTE a dit…

Et moi très fier d'être ton parrain, mon Stéphane. Je t'(vous)embrasse très, très, très fort. Gilles