lundi 2 avril 2012

Une pierre noire : LIVRE TVA 7%

Pour marquer d'une pierre noire la hausse de la TVA sur le livre (appliquée depuis hier !), relisons ensemble ce discours du poète espagnol Federico Garcia Lorca, prononcé en septembre 1931, pour l'inauguration de la bibliothèque de son village natal Fuente Vaqueros (province de Grenade). Pour mémoire, souvenons-nous que Federico a été assassiné par la droite franquiste en août 1936.

"Quand quelqu'un va au théâtre, à un concert ou à une fête quelle qu'elle soit, si le spectacle lui plaît il évoque tout de suite ses proches absents et s'en désole: "Comme cela plairait à ma sœur, à mon père!" pensera-t-il et il ne profitera dès lors du spectacle qu'avec une légère mélancolie. C'est cette mélancolie que je ressens, non pour les membres de ma famille, ce qui serait mesquin, mais pour tous les êtres qui, par manque de moyens et à cause de leur propre malheur ne profitent pas du suprême bien qu'est la beauté, la beauté qui est vie, bonté, sérénité et passion.

C'est pour cela que je n'ai jamais de livres. A peine en ai-je acheté un, que je l'offre. J'en ai donné une infinité. Et c'est pour cela que c'est un honneur pour moi d'être ici, heureux d'inaugurer cette bibliothèque du peuple, la première sûrement de toute la province de Grenade.
L'homme ne vit que de pain. Moi si j'avais faim et me trouvais démuni dans la rue, je ne demanderais pas un pain mais un demi-pain et un livre. Et depuis ce lieu où nous sommes, j'attaque violemment ceux qui ne parlent que revendications économiques sans jamais parler de revendications culturelles: ce sont celles-ci que les peuples réclament à grands cris. Que tous les hommes mangent est une bonne chose, mais il faut que tous les hommes accèdent au savoir, qu'ils profitent de tous les fruits de l'esprit humain car le contraire reviendrait à les transformer en machines au service de l'état, à les transformer en esclaves d’une terrible organisation de la société.
J'ai beaucoup plus de peine pour un homme qui veut accéder au savoir et ne le peut pas que pour un homme qui a faim. Parce qu'un homme qui a faim peut calmer facilement sa faim avec un morceau de pain ou des fruits. Mais un homme qui a soif d'apprendre et n'en a pas les moyens souffre d'une terrible agonie parce que c'est de livres, de livres, de beaucoup de livres dont il a besoin, et où sont ces livres ?
Des livres! Des livres! Voilà un mot magique qui équivaut à clamer: "Amour, amour", et que devraient demander les peuples tout comme ils demandent du pain ou désirent la pluie pour leur semis. - Quand le célèbre écrivain russe Fédor Dostoïevski - père de la révolution russe bien davantage que Lénine - était prisonnier en Sibérie, retranché du monde, entre quatre murs, cerné par les plaines désolées, enneigées, il demandait secours par courrier à sa famille éloignée, ne disant que : " Envoyez-moi des livres, des livres, beaucoup de livres pour que mon âme ne meure pas! ". Il avait froid ; ne demandait pas le feu, il avait une terrible soif, ne demandait pas d'eau, il demandait des livres, c'est-à-dire des horizons, c'est-à-dire des marches pour gravir la cime de l'esprit et du cœur. Parce que l'agonie physique, - biologique, naturelle d'un corps, à cause de la faim, de la soif ou du froid, dure peu, très peu, mais l’agonie de l’âme insatisfaite dure toute la vie !
La devise de la République doit être la culture.
La culture, parce que ce n'est qu'à travers elle que peuvent se résoudre les problèmes auxquels se confronte aujourd'hui le peuple plein de foi mais privé de lumière.
N'oubliez pas que l'origine de tout est la lumière."
Salut et Fraternité !


Image livre ouvert photo GL

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Oui cher Gilles, une fois de plus tu as raison Je trouve déjà les livres trop chers pour moi qui dévore livres sur livres...Je me nourrie de lecture, comme tu le dis si bien.
Je ne peux m'en passer et si je n'ai pas un livre à lire , je cherche j'emprunte , c'est comme un manque..je lis tous les soirs au moins 2h.!
En ce qui concerne ton paragraphe, ceux qui ont faim ne savent pas toujours lire et n'ont pas forcément eu la chance d'apprendre,
tout dépend où ils sont nés?? Chercher sa nourriture prends l'essentiel de leur journée, mais j'ai parfaitement compris ce que tu voulais dire, et en augmentant le prix des livres, l'écart va encore se creuser entre ceux qui peuvent et ceux qui hésitent avec des budgets "trop serrés".. je t'entends déjà me dire :
-" que les caddies sont trop souvent remplis de choses inutiles".
C'est bien vrai pour beaucoup de gens! la société consumériste pousse les gens à acheter de tout et n'importe quoi!
Moi, je préfère les livres et de loin, cette rubrique reflète le fond de ma pensée et de mon âme.
Mais je n'ai pas à chercher ma nourriture..
bons baisers amicaux et printaniers
katyL

Anonyme a dit…

Dans ta dernière phrase " tout vient de la lumière ", OUI , comme dans tes livres il y a cette lumière qui passe et qui nous rend si heureux de te lire, tout est si bien écrit, une jubilation intérieure je relis les phrases , je coche celle-ci, ou un instant de poésie semé par toi, un onde d'amour, une colère noire, une revendication exprimée une information historique ...Tu écris avec tant de force chaque livre , comment ne pourrait-il pas nous pénétrer de la lumière qui émane de chaque page ??
Voilà ce qu'apporte la lecture et une osmose avec le livre.
amicalement et sincèrement
katyL

Anonyme a dit…

" l'osmose" et avec celui qui écrit
j'ai oublié cette petite phrase
par amour des livres
katyL