samedi 26 juillet 2008

Promenade à Sion - 5


Le chemin montait en pente douce vers le Haut du Châtillon. À main droite, le gouffre ouvert sur le village de Saxon où un siècle plus tôt, les Baillard avaient installé leur ferme-école, comme un infini bleu de Prusse dans une symphonie de blancs ténébreux. Invisibles, les maisons blotties, les jardins enclos, les larges granges pleines, hier encore, de bon foin. Mais je les sentais, à ces parfums de cave qui m’arrivaient par bouffées, à ces fumées de chêne et de bois de curé* que l’on venait de rallumer dans les fourneaux, à ces remugles d’ensilage qui débordaient des étables après avoir enivré les vaches. En bas, dans le ventre de la Colline, la vie avait déjà repris. Deux ou trois ronflements de moteur étouffés par la neige s’éteignirent bien vite du côté de Chaouilley… quelque part, on partait vers la ville !
Alors, comme une épiphanie, la Croix Sainte-Marguerite avait surgi de son entassement de roches sur le front de la forêt. D’aucuns la disaient plantée là depuis plus de trois siècles par Marguerite de Gonzague, épouse du duc Henri II, pour rappeler le Saut de la Pucelle. Car c’est là, comme le raconte si bien notre ami conteur Roger Wadier**, que la princesse saxonne Margarita fille d’Amatus, pour échapper à son fougueux prétendant Sigismer qui la poursuivait, aurait lancé, du haut de la falaise vers Vaudémont, son cheval dont les fers ont marqué la pierre à jamais ! Je n’ai pas cherché ces traces. La neige les protégeait des trop curieux. Les légendes ont besoin de convenances pour survivre ! Comme je n’ai pas cherché ces étoiles d’or que, pourtant, je sentais sous mes pieds ! Impressions anciennes d’enfance, souvenirs d’excursions de patronage, mémoire de trop rares échappées familiales… Ensemble, le nez au ras d’infinies routes de fourmis, sous les buissons qui nous gardaient des ardeurs du soleil, à quatre pattes, nous grattions la terre ocre… et les exclamations fusaient des heureux découvreurs, et les soupirs de lassitude des chercheurs à vue basse ! C’est qu’elles ne se montrent qu’au regard élevé, ces étoiles divines qui m’ont fait l’hommage d’une belle histoire voilà quelques années !*** Des hommes de science affirment en levant le menton qu’elles sont des fossiles de lis de mer dont la tige aurait été faite de ces minuscules « vertèbres »… D’autres… Qu’en savent-ils, au juste ? Pourquoi le sacré devrait-il disparaître dans la lunette à explorer la matière et le temps ?
Oui, les légendes ont besoin de convenances pour survivre… et l’être humain a besoin de légendes pour grandir !
GL
A suivre...
* Charme
**
Le Saut de la Pucelle Roger Wadier in Nouvelles Lorraines (collectif) éd. Pierron Prix Maurice Barrès 1980
***Les Étoiles de Plaimont Prix Émile Moselly 1983 éd. Études Touloises 1983, Une Page à l’Autre 2001
réf. publication : voir billets précédents
image : Sion coucher de soleil 02 08 photo GL

3 commentaires:

diplodocus continental a dit…

Les souvenirs d'enfants paysans sont toujours enveloppés de quelque chose qui jouxte déjà la légende...Le "si j"aurai su,j'aurai pas venu" de la "guerre des boutons,la boite d'alumettes pour mettre le hanneton...les perles des couronnes des tombes désaffectées pour se faire des colliers etles suppliques à la Vierge de la " Vouivre"à huit ans pour avoir des seins plus gros pour ne pas perdre la face devant les garçons... il n'y avait que nous,les enfants, qui savaient moissonner à la faucille,monter sur le tombereau pour le remplir de foin ,tirer surle soufflet de la forge, pour en retirer un chant intérieur...Cette" colline inspirée" est merveilleuse ,Gilles, merci!

Rénica a dit…

Que ce soit vers le ventre de la colline ou sur le chemin en pente douce...Je vous suis au fil des mots... ballade agréable dans cette campagne mystérieuse que je découvre....
Merci Gilles pour ces douces rêveries.

Gilles LAPORTE a dit…

Merci de m'accompagner dans cette promenade, chères Diplo. et Rénica.
J'aime votre compagnie sur ces lieux profonds et élevés à la fois, profonds parce que... élevés !
Ensemble, marchons !
Fidèle amitié.
Gilles