vendredi 4 août 2023

Viens ici Fous-le-camp !

 


Viens ici Fous-le-camp !

Prémonitoire, l’aimable comédie Ni vu ni connu tirée du roman d’Alphonse Allais par le cinéaste Yves Robert en 1958, jouée par Madeleine Barbulée et Louis de Funès ?

Nul n’aurait pu l’imaginer !

Le mauvais génie actuel de nos voyageurs de commerce politiques tendrait pourtant à nous le faire croire !

Souvenons-nous de ce film, du braconnier Blaireau, de sa pie Lucienne, des cochon Parju, corbeau Napoléon, membres du « club de la fine gaule » et, surtout, du chien « Fous-le-camp » toujours prêt à l’escapade !

La campagne profonde résonnait sans cesse des « Viens ici Fous-le-camp » de ce poétique Blaireau. Ainsi le gentil hors-la-loi rappelait-il au pied son fidèle fox-terrier qui risquait de le faire démasquer tandis qu’il récoltait les lapins pris dans ses collets ! On se marrait bien… bonheur assuré !

« Viens ici Fous-le-camp ! »

Qu’en est-il aujourd’hui, dans notre vie ordinaire, de ce que les psycho-socio-machinchoses, experts de tout poil, ont universitairement baptisé « Injonction contradictoire » ou « Injonction paradoxale » ? Ne serait-ce pas devenu le principe basique de fonctionnement de notre monde peuplé de citoyens décérébrés et de consommateurs conditionnés (les mêmes !)

Réveillons-nous, prêtons l’oreille aux réclames distillées chaque jour par les médias publics, privés et hybrides, écrits, parlés, vidéastés, et constatons que...

Vendre des voitures passe par vanter les couleurs, confort, performances, formes de la femme mannequin y associée, prix réduit à une dépense mensuelle négligeable pour faire passer la pilule… mais attention « Pensez à covoiturer ! » et « Pour les trajets courts privilégiez la marche ou le vélo ! » Donc : achetez nos bagnoles, mais surtout n’en usez pas !

Blaireau : « Viens ici Fous-le-camp ! »

Développer le marché de l’agro-alimentaire industriel passe par la tentation du goût, de la présentation, de l’exotisme, de la traçabilité, du clinquant de l’emballage… mais attention « Pour votre santé, évitez les aliments gras, sucrés, salés ! » Donc : achetez notre bouffe prédigérée, mais surtout ne la consommez pas !

Blaireau : « Viens ici Fous-le-camp ! »

Renforcer la position économique de nos entreprises productrices ou gestionnaires d’énergie passe par la promotion de la voiture électrique, l’automatisation de toutes les activités ménagères et des fonctions domestiques, l’encouragement aux déplacements, voire aux voyages lointains (par avion moins coûteux que le train !) et croisières (par immeubles flottants plus environnementicides que cent villages de notre campagne)… mais attention « L’énergie est notre avenir, économisons-là ! » et l’insupportable « C’est pas Versailles ici ! » Donc achetez nos véhicules à batterie (y compris les vélos), nos machines à laver, nos volets automatiques et nos billets d’explorateurs en escarpins sur des rafiots à pétrole, mais surtout ne les utilisez pas !

Blaireau : « Viens ici Fous-le-camp ! »

Alphonse Allais et son Blaireau nous avaient mis la puce à l’oreille voilà plus d’un siècle. Nous nous en étions amusés. Aujourd’hui…

Marchands apatrides et politiques (les mêmes, qui nous ordonnent effrontément « vote !», en même temps que nous murmurent « n’attends pas que je tienne compte de ton avis ! ) pénètrent sans cesse par effraction notre conscience de citoyens responsables et nous acceptons ce viol !

L’imbécillité criminelle et vénale nous gouverne par ses matraquages quotidiens, fait de nous des robots malmenés en permanence par les « Fais !" et « Ne fais pas ! » simultanés, nous transmute en chiffes molles par la répétition de ces « injonctions contradictoires », et  nous acceptons ses lois !

Les « Blaireau » de notre temps tendent leurs collets partout autour de nous. Serons-nous leurs lapins aux grandes oreilles inutiles, piégeables à merci ?

Accepterons-nous de finir nos jours de citoyens dans leur gibecière ?

La question mérite d’être posée.

A nous de donner la réponse !

A moins que…

« Viens ici Fous-le-camp » !

Fraternité.


 

 

lundi 13 mars 2023

RETRAITES... la tempête !


 Le spectacle d’opérette joué par les élus de notre pays, du plus bas au plus haut de l’échelle républicaine, et par nos fonctionnaires ministériels dits « grands serviteurs de l’Etat », prêterait à rire s’il n’était pas aussi tragique !

Il a au moins le mérite de rendre évidentes la stérilité de pensée et d’actions, l'impuissance à imaginer un autre cadre règlementaire que celui de 1941 modifié en profondeur par le Conseil National de la Résistance en 1945, l’absence de capacité d’analyse du présent réel et de vision d’avenir du plus grand nombre d’entre eux.

Le mérite aussi de confirmer, si besoin était, la belle réactivité du peuple français face à l’étroitesse de vue et/ou au machiavélisme de ses dirigeants.

Car…

Tous nous rebattent les oreilles avec le même argument suffisant pour –paraît-il !- justifier la « réforme des retraites » voulue par le Président et ses courtisans : les cotisations des « actifs » dont le nombre est en constante diminution ne sera plus -n’est déjà plus selon certains !- suffisant pour offrir des années de repos paisible après une vie de travail aux « inactifs » (les plus présents, soulignons-le, en engagements citoyens et associatifs !) dont le nombre ne cesse de grandir à cause de l’allongement de la durée de la vie !

Or… que constatons-nous ?

1/ suite à des volontés énarchiques successives de faire de la France un pays d’employés de banques et de bureaucrates (voir les politiques de l’apprentissage, de l’orientation scolaire, de l’ancienne ANPE…) le nombre d’entreprises industrielles autrefois très dynamiques sur le marché de l’emploi s’effondre. Ces entreprises créatrices d’emplois, donc de richesses collectives, ont été délocalisées dans des pays où sévit encore un esclavage de masse, vendues comme bijoux de famille à des « amis » étrangers intéressés par nos brevets -voir Alsthom-General Electric-, ou liquidées pour satisfaire des courants idéologiques hors-sol à des fins de résultats électoraux immédiats -souvenons-nous du nucléaire !-. Choix politiques qui produisent une chute spectaculaire du nombre de salariés dans le pays.

2/ les grandes entreprises survivantes automatisent le plus possible leur lignes de production afin de s’affranchir des contraintes de personnel et d’améliorer leur capacité de production. Décisions justifiées par l’adaptation du monde du travail aux avancées technologiques de notre temps et l’exigence de nécessaire rentabilité des investissements réalisées par leurs apporteurs de capitaux -les financiers-, mais qui engendrent une réduction très importante des effectifs salariés.

3/ les cotisations sociales ont pour base, depuis la nuit des temps, l’assiette des rémunérations (salaires et assimilés) payées à leur salariés par lesdites entreprises, assiette globale -niveau national- et particulière -niveau unité de production- qui, conséquence des constats précédents, se réduit comme peau de chagrin d’année en année, de mois en mois, de jour en jour…

 

Les solutions majeures -et ineptes- proposées par l’Exécutif aujourd’hui sont : A/ faire des enfants, futurs travailleurs cotisants (mais pour quels emplois disparus ?), stratégie digne du 19ème siècle... on fabrique non de la chair à canon, mais du tout-venant à cotisations B/allonger la durée du temps de travail, donc reporter l’âge de départ en retraite à 64 ans (demain 65, dans deux ans 67, dans cinq ans… ?), alors que la vieillesse -donc le renvoi des travailleurs à la maison ou dans les couloirs de l’assistance sociale- telle qu’identifiée par le monde patronal actuel commence à 50-55 ans ! Qui donc proposera un emploi à ces salariés jugés par les employeurs inaptes à la tâche ou trop peu performants à cause de l’âge ?

Qui ?

 

Voilà près de quarante ans, un vrai responsable politique (pas de ces tristes amuseurs de galerie qui se donnent en spectacle vulgaire au Parlement et dans les palais dorés républicains), un remarquable ministre des Affaires sociales et de l’Emploi : Philippe SEGUIN me faisait le plaisir -l’honneur surtout !- de me compter parmi ses proches. Il m’invitait parfois à réfléchir avec lui à des problèmes de l’époque, en tête à tête dans son bureau de maire d’Epinal ou dans une brasserie discrète de la ville, à prendre aussi la parole en public devant des assemblées patronales sur le rôle social de l’entreprise. Un soir d’automne 1986, en dînette à deux, il aborda la question du financement des régimes de retraite qui le préoccupait déjà. Nous fîmes ensemble le constat que je viens d’évoquer et, m’appuyant sur mes souvenirs de recherches universitaires basées sur De la division du travail social du sociologue Emile Durckheim, et mon expérience de vingt-cinq années de salariat en industrie chimique et commerce, je lui fis cette proposition seule capable pensais-je d’assurer l’avenir du régime de retraite par répartition, précieux modèle français basé sur la notion de solidarité intergénérationnelle, que d’aucuns voudraient remplacer aujourd’hui par un régime égoïste et spéculateur à l’anglo-saxonne par capitalisation  : abandonner l’assiette des rémunérations pour le calcul du montant des cotisations sociales et la remplacer par ce que je baptisai alors le PPE (Potentiel Productif de l’Entreprise). Cette nouvelle base de calcul tiendrait toujours compte, bien sûr, des salaires versés et assimilés, mais elle intègrerait la capacité de production des robots appelés à remplacer l’humain dans la filière. Cette capacité serait évaluée sur la base d’ « Equivalent Temps Plein Humain » par automate selon le principe élémentaire suivant : la machine remplace trois salariés, elle paie les cotisations des trois salariés remplacés. Modalités d’application à définir, certes, selon les cas particuliers, types de productions et évolution de l’emploi dans le secteur professionnel concerné (chantier qui pourrait donner une occupation sérieuse et utile autre que de communication manipulatoire à nombre de « grands serviteurs de l’Etat).  

Philippe SEGUIN réfléchit un instant avant de constater que l’idée était excellente, mais que le temps de la mettre en application n’était pas venu parce que le monde politique dépendant des exigences de la finance internationale et que le patronat attaché au rendement d’investissements de ses actionnaires…  n’y étaient pas prêts. Et de conclure : « Le responsable politique qui la proposerait ce matin verrait sa carrière ruinée le soir-même !  Ce n’est pas encore le moment ! Demain, sans doute ! c’est inéluctable… demain certainement ! »

Cette semaine décisive de mars 2023, posons donc la question aux responsables des convulsions qui secouent en ce moment notre pays, du plus bas au plus haut de l’échelle sociale et politique : ce « demain » évoqué par le ministre visionnaire Philippe SEGUIN voilà près de quarante ans n’est-il pas aujourd’hui ?

S’il ne l’est pas, demandons-nous très sérieusement (il en va de la survie de notre modèle fraternel hérité de nos grands anciens qui, eux, savaient voir loin !) :

Combien de temps encore le peuple de France va-t-il accepter de se soumettre à la dictature de la finance internationale (anglo-saxonne relayée par l’Union européenne de Madame Von der Leyen) ?

Combien de temps encore le peuple de France va-t-il accepter de voir sacrifier les fruits de son travail et sa dignité sur l’autel des carrières de politiques professionnels plus soucieux de leur intérêt électoral (et particulier) que de l’intérêt général ?

Combien de temps ?

Salut et Fraternité. 


                                                              

jeudi 16 février 2023

Du Pays des Lumières à l'empire des ténèbres !

 


 

Jeudi 16 février 2023.

La France a perdu :

-ses trains, ses hôpitaux, son école, ses artisans, ses industries, ses centrales nucléaires, ses médecins, ses professeurs, son armée, ses producteurs de biens industriels et commerciaux, ses métiers, sa langue, son histoire et sa culture, sa justice, sa paix sociale, sa souveraineté…

La France manque de :

-pain, paracétamol, médicaments de première nécessité, moutarde, électricité, huile de tournesol, soins, maîtres d’école, médecins, professeurs, services d’urgence, matériaux de construction, sécurité, dignité, travail…

La Franc regorge de :

-commentateurs et débatteurs, experts, conseillers, banquiers, publicitaires, grandes surfaces commerciales, élites autoproclamées, pauvres, consommateurs serviles (y compris de drogues), idiotismes anglo-saxons, égologistes[i] et révisionnistes…

La France n’a plus rien de vital, se complaît dans un paraître de moulin à vent, mais veut encore jouer les gros bras, faire entendre une voix de fausset dans le monde, gagner les guerres armée et financière !

Guerre armée : celle actuelle engagée sur le territoire ukrainien au nom de l’ « Occident » par les Etats-Unis, à leur profit exclusif : l’asservissement du monde. N’oublions pas le slogan électoral de Wilson, destructeur de l’ordre européen en 1917 « America first ! » repris et si souvent répété par les gourous de la Maison noire -aujourd’hui JB président désarticulé- qui rappelle le redoutable « Deutschland über alles, über alles in der Welt ! [1] » des chanceliers allemands maudits. Etats-Unis et Allemagne : les meilleurs alliés et complices anti-européens de notre temps si convulsif (voir les décisions du nouveau chancelier Olaf Scholz et de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen dont -selon Wikipédia- l’ancêtre James H. Ladson (1795–1868) exploitait des dizaines d'esclaves aux Etats-Unis au 19ème siècle)[2].

Guerre financière : à objectif de déstabilisation du « vieux continent » déclarée par les chantres de l’ultralibéralisme (autre nom de la loi de la jungle !) en violation de tous les traités internationaux impliquant cousinage hypocrite franco-allemand et OTAN, sur fond d’exploitation des illusions stratégiques du dirigeant russe nées du mépris « occidental » vis-à-vis de son pays lors de l’effondrement de l’Union soviétique. Délire partagé, tragédie assurée ! La France veut être de cette espérée victoire de l’ « ami » états-unien en offrant à l’ « ami » ukrainien de cet « ami » d’outre Atlantique l’argent tiré des poches du contribuable français, des canons payés par le contribuable français, bientôt des chars lourds et des avions de combat payés par le contribuable français (peut-être, à la fin des fins, l’arme nucléaire) payés par le contribuable français qui, pourtant, n’a déjà plus les moyens de vivre par manque de trains, médicaments, écoles, emplois, hôpitaux, médecins, tribunaux… cette France vampirisée, douloureusement anémiée, qui désire se montrer partenaire des impérieux Coca-Cola, MacDo, MacKinsey, Walt Disney, ExxonMobil, Boeing, Microsoft… ceux même qui la ruinent chaque jour davantage, eux ses suzerains, elle leur vassale !

Combien de temps encore les peuples d’Europe vont-ils se laisser berner et massacrer par une poignée de dirigeants mal élus devenus manipulateurs au point d’organiser des référendums dont ils savent d’avance qu’ils ne valideront pas le résultat pourtant massif (Chirac-Sarkozy et le projet de Constitution européenne) et signer des traités dont ils ont décidé -au moment même où ils les signaient- de ne pas respecter les clauses (Hollande-Merkel et les accords de Minsk) ? Combien de temps ?  

Combien de temps encore un homme seul, fût-il président de la République, s’autorisera-t-il à jeter la France dans une guerre totale pour complaire à son impérialiste allié étoilé, au mépris d’une opinion hostile à ses projets mais paralysée par ses talents de marionnettiste ? Combien de temps ?

Combien de temps encore les «élites » de notre République en lambeaux prétendront-elle soutenir un pays parmi les plus corrompus de la planète au détriment des travailleurs courageux et honnêtes du nôtre ? Combien de temps ?

Tandis que les citoyens de France manquent de presque tout, ils payent très cher aux Etats-Unis un gaz mortel pour la Terre, achètent à un prix prohibitif une électricité de charbon à l’Allemagne, seront bientôt condamnés à offrir des avions de combat fabriqués et vendus au prix fort par les Etats-Unis à une Ukraine qui peine à faire le ménage dans ses réseaux de corruption, elle-même otage et victime de la guerre à outrance de ce que d’aucuns osent baptiser l’ « Occident » !

Allons-nous longtemps encore payer des impôts et taxes en France destinés à financer la guerre états-unienne de conquête puis d’asservissement -après ruine totale- de l’Europe ?

Nos élites parlent sans cesse, à s’en déchirer le gosier, de « démocratie »… comme si l’invocation supplicatoire pouvait seule suffire à en prouver la survie !

Allons-nous encore longtemps accepter de jouer le rôle consentant de dindons de la farce ?

Une vie démocratique et authentique ne peut s’imaginer sans vie parlementaire réelle et active.

Mais…

Tandis que le locataire de l’Elysée à titre gracieux et sa cour jouent avec le feu… nucléaire, dans une guerre qui n’est pas la nôtre, où sont passés nos parlementaires ? Occupés à jouer à qui-perd-gagne sous les lambris dorés de leurs palais ?

Dans cette spirale de tragi-comédie sur fond de prochaines pousses de champignons atomiques… où sont, que font nos députés et sénateurs ?

Pas plus Poutine et ses fantasmes impériaux que Biden et ses vassaux Zelenski président d’Ukraine, Olaf Scholz chancelier d’Allemagne, Ursula von der Leyen présidente de la Commission européenne, mais plus la paix que la guerre… telle doivent être la voie et la voix de la France !

Souvenons-nous de l’intervention de Dominique de Villepin à l’ONU en 2003, en un temps où notre pays osait encore refuser la complicité avec les mensonges états-uniens à propos de l’Irak !

Ressaisissons-nous !

Agissons d’urgence en toute citoyenneté afin que notre pauvre pays reconnu hier encore partout comme le « Pays des Lumières » ne devienne pas, à la table des maîtres du hamburger et de la sauce tomate sucrée, le pays de la misère, l’empire des ténèbres !    

 Salut et Fraternité.

 


[1] Allemagne au-dessus de tout, au-dessus de tout dans le monde.

[2] Wikipédia Ursula Von der Leyen : The history of Georgetown County, South Carolina, University of South Carolina Press, 1970, p. 297.



[i] Vous avez bien lu. Il ne s’agit pas d’une faute de frappe !

lundi 29 août 2022

 

A propos de mon roman « Les Silences de Julien » (Presses de la Cité-2021)

Analyse de Brigitte PETIT - Psychologue clinicienne

Auteure de « Pour une approche plurielle de la schizophrénie » (Ed. d’écarts coll. Diasthème)

 

Bonjour,

Je viens de terminer votre livre « Les silences de Julien » et je souhaitais partager ce retour de lecture avec vous.

Les silences de Julien est un livre plein d’humanité qui réenchante un monde qui en a bien besoin. Il y a également, distillé dans le récit de cette histoire, un certain nombre de valeurs, la réprobation de positions ou attitudes qui prennent le risque d’égratigner quelqu’un et une certaine philosophie du prendre soin de l’autre dans les rapports humains. Et puis il y a la musique, le bois et la nature que vous décrivez parfois un peu à la Giono, dans ce que la nature contient de vie et de bonheurs à saisir pour qui sait le voir, l’entendre, le sentir ou le toucher.

Alors quelques associations en lisant le livre.

D’abord le personnage de Baptiste Bécart, homme singulier plein de sagesse par qui passera, entre autres, la transformation de Julien. Ce personnage, est un être bienveillant qui apaise, soulage, encourage et surtout sait faire confiance. Pour avoir confiance en soi, encore faut-il que quelqu’un un jour nous fasse confiance. Il a quelque chose du maître (au sens noble du terme), un peu mystérieux, solide. On imagine qu’il a dû traverser ou négocier lui-même des passages délicats dans sa vie. Sa passion est probablement sa force et son refuge.

Alors, Bécart, me fait penser au signe bécarre en musique, ce signe qui redonne à la note qui en est affectée, sa tonalité naturelle. Julien va découvrir « sa tonalité naturelle » à la fin du roman. Pas celle qu’on lui a imposée une bonne partie de son enfance et de son adolescence du côté du handicap ou de la maladie. Baptiste, celui qui baptiste, qui fait rentrer l’être baptisé dans une communauté à laquelle il appartient de plein droit et non dans les marges. Julien va réintégrer la communauté des gens comme tout le monde, sans étiquette dans le dos, grâce en grande partie à Baptiste Bécart. Dans votre roman, vous décrivez tout le long du livre comme un ostinato « l’écharpe de grosse laine grise à larges rayures noires » de Baptiste. Là, énigme pour moi ! Avez-vous une réponse ?

Léopold Malard : c’est le moins sympathique des personnages, celui qui provoque la souffrance de certains et plus particulièrement celle de Marianne et Julien. On ne sait pas pourquoi l’enfant de Jules et Léonie est devenu un tel être narcissique en quête de reconnaissance qui s’appuie sur les autres jusqu'à les écraser voire qui les utilise pour trouver un bonheur qui se dérobe toujours car ce qu’il cherche ne lui est pas accessible. Peut-être sortir de sa condition de fils de paysans ? Si c’est important pour lui, le seul moyen d’échapper au fait de souffrir d’être fils de paysan c’est d’accéder à une image plus pacifiante du paysan proche de la nature et d’aimer et s’approprier en partie ce qu’elle offre. C’est ce qui se passera vers la fin du livre, lorsqu’il envisage de s’installer à Fabimpré. En se réconciliant avec ses souvenirs, ses parents (en partie), il se réconcilie avec lui-même. Son discours dans l’avion qui l’emmène avec Cynthia aux Etats-Unis est intéressant. Le personnage semble faire son mea-culpa (et cela nous fait du bien aussi à nous lecteur) mais il ne change pas. Des regrets, pas de culpabilité. Et puis sa « nature » (avec ou sans bémol ou dièse) reprend le dessus avec cette injonction à Cynthia « D’ailleurs, je te remercie de ne plus jamais me poser ce genre de question. D’accord ? » Cela recommence, cette tentation de faire plier l’objet pour obtenir ce qu’il veut (il ferait mieux comme son fils de façonner le bois afin d’accéder à la résonnance souhaitée du violon ou de la viole d’amour et non faire plier l’autre). Léopold n’est pas complètement antipathique. Il est juste souvent insupportable. Il sait aussi mettre profil bas devant Marianne qui se fâche ou Julien qui s’oppose et on se demande pourquoi Marianne ne l’a pas fait plus souvent et très tôt dans leur relation. On sent une forme de souffrance en lui qu’il fuit comme il peut. Souhaitons-lui de trouver enfin du bonheur à partager, sans qu'il soit obligé de le voler aux autres.

Julien bien sûr. Je ne peux que vous rejoindre dans les errements de ces professionnels de santé qui collent étiquettes et conduites à tenir. Julien est-il autiste ? Tout dépend comment on perçoit l’autisme : maladie, handicap ou attitude humaine plus ou moins marquée ? Les silences de Julien sont des pauses dont il semble avoir besoin. Déclamer des poésies aussi. Julien a eu la chance d’avoir des briques solides et suffisamment malléables pour se construire : sa mère, George, ses grands-parents, Baptiste et la tendre et authentique Fabienne, Gaillard le cheval, le bois, la viole d’amour et bien d’autres choses encore auxquelles appartiennent les cailloux qu’il jette à l’eau à la fin du livre. On voit comment les mots qui manquent à nommer l’incompréhensible qui le tourmente, il les trouve dans la lecture de classiques, dans l’expérience sensible de ces auteurs d’exception qui ont compris eux tant de choses (y compris ce que l’on ne comprendra jamais tout en sachant s’en passer). Les mots du livre lui parlent à défaut de symboliser quelque chose. Et c’est déjà pas mal. Il entend les mots écrits, pas toujours les paroles des autres. Ou alors un autre absent, mort et toujours vivant : l’auteur éternel. Le basculement vers la résilience voire la renaissance ou la naissance semble se dérouler lorsqu’il découvre cet instrument en construction. La couleur, la texture, l’odeur, la forme du bois et tout ce qui tourne autour de son traitement (colle, vernis, sons…) autant de sensorialités qui le mettent sur la voie de l’envie ou plutôt du désir. Désir ou défi à relever, en tout cas une direction où concentrer son énergie à vivre pour oser grandir, se séparer et rencontrer. Toute colère (aussi difficile soit-elle) est toujours une manière de canaliser cette vie qui ne prend pas la tournure qu’on souhaite et d’en éprouver de la rage. Ce n’est pas que de l’angoisse ou de la frustration comme on présente souvent ces colères ou crises clastiques, quand on n’évoque pas les pulsions de mort, d’autodestruction, etc. La violence est souvent un appel à la vie. Prendre la viole d’amour, c’est prendre la vie adulte à bras le corps. Si on arrive à façonner un bois pour qu’il produise de la musique qui touche les cœurs, alors par translation, on peut prendre sa vie en main. En tout cas, l’alchimie fonctionne avec Julien. Et nous partageons avec Julien, lecteur que nous sommes, la belle issue d’un être qui a eu de la chance mais qui a su aussi la saisir.

Quant à Marianne et George, deux êtres qui savent ce qu’est la souffrance. George, probablement a-t-elle appris à apprivoiser celle des autres, à la soulager, la transformer, la bonifier et depuis longtemps. Marianne, cette souffrance lui est tombée dessus probablement lors de sa rencontre avec Léopold. Elle est donc plus démunie, plus vulnérable.

J’ai apprécié dans ce livre la place que vous donnez à la musique classique (que j’écoute quasi exclusivement depuis plus de 50 ans), la nature, le rapport simple aux choses sans grand discours, le partage discret d’émotions qui n’enlève rien à leur intensité, le rapport à l’autre à la fois proche (cette présence forte et disponible) et à distance comme pour signifier le respect que l’on accorde à l’autre.

Vous m’avez donné envie de revisiter les Vosges (où je suis allée il y a 30 ou 40 ans), déambuler dans Mirecourt pour admirer ses lutheries et humer l’ambiance de ces villages.

Votre livre est un voyage à lui seul qui en rappelle ou en appelle d’autres et l’histoire de Julien une belle leçon de vie.

Voici mon retour de lecture de votre livre dans lequel j’en dis autant de la manière dont je l’ai reçu et ce qu’il a provoqué en moi que ce que vous avez conté. C’est la force du livre de provoquer des rencontres et des partages de sensibilités.

J'espère que comme nous à Nantes, vous profitez de cette fin d'été sans canicule. Bon courage à vous pour la reprise.

Bien cordialement,

Brigitte

 Brigitte PETIT Auteure de « Pour une approche plurielle de la schizophrénie » (Ed. d’écarts coll. Diasthème) - 24 08 2022