J’ai marché comme suspendu dans les vestiges de la nuit. Je savais que, là-bas, à main droite, finit de s’effondrer la maison de la Marie-Anne Sellier. Dans les ronces, les orties, et les sureaux où nichent des volées de moineaux. Mon maître, ami et complice André Jacquemin l’a gravée autrefois, au temps de sa fameuse bataille de La Colline Inspirée*. Il a taillé dans le cuivre sa porte branlante, ses fenêtres disjointes, ses tuiles encore alignées sur la charpente, et son poirier de façade dressé contre les esprits malicieux. Encore debout, la maison… maudite ! Car c’est là qu’ils sont morts, les Léopold et grand François, dans ces murs-là, au terme de grandes douleurs et enveloppés de nuages de soufre épandus par l’Église… mais protégés envers et contre l’ordre épiscopal par une femme, la Marie-Anne. Hier, encore debout la maison que les clercs romains ont déclarée maudite. Aujourd’hui ruine que j’irai saluer plus tard, au grand jour de midi, sur le retour.
Le plateau de Plaimont m’est apparu juste après le coup de rein du chemin derrière la croisée aux quatre vents de la Chapelotte, découpé sur les ténèbres comme un décor de théâtre. Des silhouettes de mirabelliers tordus qui réjouissaient Maurice Barrès bien plus que les splendeurs mutilées du monde antique**, des bouquets de coudriers fins et droits comme des lances, des touffes de ronces au feuillage incandescent dont les flammes perçaient la neige, et… à perte de vue dans les premières lueurs du jour, la prairie visitée çà et là par des ombres de grands chevaux.
* La Colline Inspirée Maurice Barrès illustrée de 83 eaux-fortes originales du graveur vosgien André Jacquemin, membre de l’Institut. Tirage 120 exemplaires. éd. Société des Bibliophiles franco-suisses. 1941
** Le Voyage de Sparte Maurice Barrès éd. Juven Paris 1906
GL
A suivre
publicat. : voir billets précédents image : Sion Monument Barrès hiver 2007-08 photo GL
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