mardi 21 juin 2016
Les grenouilles de Grignols
Depuis bien longtemps, je n’ai
pas confié d’éclats de voix à mon blog. Pour cause : le mensonge et
l’imbécillité sont devenus tellement quotidiens dans notre société que je
passerais chaque heure, chaque minute, chaque seconde de ma vie à les mettre en
scène pour les démasquer et les dénoncer.
Mais, cette fois, ce que l’on
nomme encore respectueusement « Justice » déraille tellement en
Aquitaine que les mots se sont imposés d’eux-mêmes à mon clavier.
Car la décision de la Cour d’appel de Bordeaux dans
l’ « Affaire des grenouilles de Grignols » est d’un caractère tellement
inique et comique (s’il n’était pas si grave !) -du même tonneau méprisant
que la sortie de l’ancien locataire de l’Elysée Sarkozy acharné à se faire
passer désormais pour un amuseur public (on se souvient, c’était le 18 mai
dernier, à Paris, ville de campagne… électorale !) : « Quand je
suis en Asie, si vous saviez comme je me sens Européen… Quand je suis en
Angleterre, si vous saviez comme je me sens Français… Et quand je suis dans les
territoires et les provinces de France, si vous saviez comme je me sens
Parisien ! »- que je n’ai pas pu résister.
J’ai donc abandonné quelques
instants les personnages de mon roman en cours d’écriture pour jeter un pavé
dans… la mare bordelaise !
La situation :
A Grignols (Dordogne) Annie et
Michel Pecheras sont propriétaires d’une mare qui a eu l’heur de plaire à des
grenouilles en recherche de refuge pour leurs amours. Comme certains humains,
ces délicieux batraciens (je ne parle pas de leur goût quand, déculottées,
elles gisent dans une assiette débordantes de beurre aillé !) ont parfois la
drague, puis l’orgasme sonore. Leurs soupirs et gémissements de bonheur ne font
pas marrer le voisin de cette population heureuse de vivre car, au printemps,
leurs décibels érotiques (mesurés par huissier) perturbent son sommeil.
Convaincu que le Droit lui donnerait les moyens de faire déménager les amants
infernaux, le voisin a demandé réparation de ses insomnies à la justice. Au
terme d’un examen sérieux des comportements de la faune aquatique de Grignols
et de ses humains dérangés, le tribunal de grande instance de Périgueux (magistrats
de bonne ruralité) a débouté le plaignant au constat que « le degré de
nuisance au-delà duquel est franchie la capacité de l’homme et de son
environnement » n’avait pas été atteint. Il autorisait donc les
grenouilles à s’aimer en toute légalité et liberté, et à inviter par leurs
coassements leurs propriétaires et voisins à partager leur bonheur.
L’affaire aurait pu en rester là,
au grand plaisir des fabricants de boules Quiès dont les plus gênés auraient pu
faire usage, mais…
Stimulée par le concert batracien
et la décision du juge, la testostérone du voisin n’a fait qu’un tour. L'homme a
porté l’affaire devant la Cour
d’appel de Bordeaux (justice urbaine encombrée de gaz d’échappement et de
brumes industrielles). Et là, sous le regard d’une zélée présidente décorée de
peau de bête (hermine), les locataires amoureux de la mare de Grignols sont
devenus de dangereux perturbateurs de l’ordre public! En application stricte
d’une loi favorable au voisin insomniaque, ils ont écopé indirectement de la
peine capitale puisque leurs protecteurs hébergeurs ont été mis en demeure de
détruire leur paradis, de combler la mare.
Or, pas de mare pour les
grenouilles… pas de vie !
Or, en France, jusqu’à preuve du
contraire, nul ne peut s’arroger le droit de tuer les représentants d’une
espèce protégée, que l’on soit paysan de Dordogne, Parisien égaré dans une
campagne qu’il découvre soudain « hostile », ou… magistrat !
Or, les grenouilles sont une
espèce protégée !
Il devient donc urgent
d’attendre, pour appliquer son arrêt, que la Cour bordelaise relise son Code, qu’elle en
redécouvre entre les articles la cohérence et le bon sens, qu’elle rende aux grenouilles de Grignols le droit de s’aimer eu toute quiétude, selon les
traditions millénaires de leur espèce, et de vivre en paix.
Nos anciens, gens de bon sens, répétaient à qui
voulait les écouter : « Ce sont les plus gênés qui doivent partir ! »
A bon entendeur (les haineux
envers les cloches de villages trop bruyantes, les coqs de basse-cour trop
bavards, les ânes de prairie mauvais chanteurs, les tracteurs de paysans trop
ronflants, les épandages de lisier trop odorants, les abeilles trop dangereuses…
j’en passe, et de pires)… SALUT !
Quittez donc ce monde de la
campagne qui ne vous convient pas, qui vous fait du mal, qui nuit à votre
équilibre, voire à votre santé, qui use vos sens et vos nerfs, et rentrez chez
vous, là où vous vous sentez bien : en ville. DEGAGEZ !
A supposer que cette affaire
devienne exemplaire en validant une justice destinée à appliquer des textes de
Droit sans aucune bienveillance pour les situations locales, les traditions, les
usages, les pratiques et le respect qui leur est dû, pour la vie telle que
simplement vécue au plus loin des cœurs de villes (pourtant bien en France !),
c'est-à-dire d’une manière mécanique et automatique, alors (toujours par souci
de cohérence) :
Je suggère au ministre de la Justice de supprimer tous
les juges à tous les niveaux de l’Institution judiciaire, et de les remplacer
par des ordinateurs qui feront le boulot aussi bien qu’eux, parfois même mieux.
Plusieurs objectifs seront ainsi atteints en une seule décision :
désengorgement des couloirs et bureaux des tribunaux, traitement des dossiers
en temps réel plutôt qu’aux calendes grecques et, cerise sur le gâteau (en ces
temps où l’Etat cherche à réduire ses coûts de fonctionnement partout -sauf
dans ses rangs-), colossale économie ! L’insupportable fardeau qui pèse actuellement
sur les épaules du contribuable sera donc, du même coup allégé.
Qui dit mieux ?
Les grenouilles de Grignols, en
plus du mérite de proposer à nos regards d’humains hargneux des comportements
de simples ruraux qui s’aiment, auront eu celui, inestimable, de nous
renseigner sur le mode de fonctionnement de la justice… de ville !
Evident… COÂ !
Salut et Fraternité.
Pour en savoir plus sur cette tragi-comédie bordelaise, on peut
consulter le remarquable site WIKIAGRI.FR, et lire sa présentation détaillée
par le journaliste de qualité Antoine Jeandey.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
4 commentaires:
Effectivement l'affaire est croassante ! on ne peut dire tonitruante, car l'orgasme des grenouilles n'atteint pas le niveau sonore des rave-parties. Aux citadins qui s'expatrient à la campagne ils doivent la prendre en "l'état" comme on dit lors d'une vente immobilière.
Également, on peut s'étonner qu'une plainte aussi délirante mobilise des juridictions qui par ailleurs sont débordées ! Et les médiateurs alors ?
Comme toujours on ne peut qu'être d'accord avec ton indignation !
Je vous embrasse tous deux. J.C.
Je suis pour tous les bruits de la nature, à commencer par les chants gazouillants de joie de mes oiseaux, les miaulements des chats, les croassements divers ...
sans compter sur le clocher de l'église qui indique les joies et les peines et puis le rire des enfants et leurs jeux dans les champs à côté....
Oui je suis pour la protection animale nous leur avons pris déjà tout ou presque ...ici nous avons en forêt de Haye des barrières pour les grenouilles tout le long de la route pour ne pas qu'elles se fassent écraser... Moi j'aime la campagne et y vivre avec ses bruits et son chant.
Bravo Gilles et bises fraternelles
KatyL
sans compter bien sur ( manque le bien) !!
Merci, mes chers JC et KatyL, pour... Elles ! Je vous embrasse.
Enregistrer un commentaire