Ce jour-là, 8 avril 2015, à 16h15, en l'hôtel de la Questure de l'Assemblée nationale, la Ministre de la Culture et de la Communication, Madame Fleur Pellerin, épinglait sur ma poitrine les insignes de Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres.
EMOTION... partagée avec le député des Vosges Christian Franqueville ordonnateur de la cérémonie, André Henri, ancien ministre, mes éditeurs, auteurs amis, et quelques proches Vosgiens/Lorrains de Paris.
Voici l'éloge prononcé par la Ministre :
Cher Gilles Laporte,
Vous aimez, dites-vous, « mettre vos pas dans
ceux de vos héros, raconter leur histoire, partager leur vie et leur passion
par … le cœur, par l’émotion ! ». Ces héros, ce sont ceux de votre
pays vosgien natal, ces hommes et ces femmes qui ont écrit notre histoire et dont
vous avez fait votre première matière romanesque.
Né dans une famille
d’ouvriers de filature, vous êtes, ainsi que vous aimez à le dire, « de cette
foule des humbles que les puissants de tous les régimes se plaisent à épuiser».
L’arme de votre révolte ? Votre plume, alerte et acérée, qui porte haut
l’histoire et le destin de nos semblables, devenus sources d’inspiration pour
des générations de lecteurs.
Dans ce genre historique où
vous excellez, vous racontez la chute, puis la destruction, de la ville de La Mothe, en Lorraine, pendant
la guerre de Trente Ans. Après avoir consacré de remarquables biographiques aux
grands de ce monde, dont Chopin, vous vous attachez à l’incroyable destin des
femmes du peuple : Julie-Victoire, première bachelière de France, qui
s’est battue pour la défense des droits des femmes, mais aussi Aurore Mongel, championne
de natation originaire d’Epinal ou encore cette Lorraine qui voulait devenir
institutrice, au tournant du XIXe et du XXe siècles, sans que sa condition
sociale le lui permette, et qui sera éclusière sur le canal de l’Est.
Attaché à une région dont
vous savez si bien rendre la beauté et l’histoire, vous avez mis votre talent
au service des destins extraordinaires et des vies humbles, des bonheurs et des
tourmentes de tout le peuple vosgien. Parce que vous racontez comme personne
ces histoires dans lesquelles chacun peut se reconnaître et qui font vivre la mémoire
de toute une région, parce que vous
incarnez la force et la vitalité de la littérature de nos territoires, la République des Arts et
des Lettres vous adresse toute sa reconnaissance.
Cher Gilles Laporte, au nom de la République française,
nous vous faisons Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres.
Ma réponse :
Madame la Ministre
Monsieur le Député, cher
Christian,
Mesdames, Messieurs, mes chers
amis,
Mes premières pensées, en ce
jour, en ce lieu, sont pour mes parents, ouvriers de filature des Vosges,
disparus depuis quelques années, qui auraient été très émus de partager avec
moi, avec nous, ce moment émouvant.
Ils m’ont transmis les valeurs
essentielles qui sous-tendaient leur vie : amour du travail quotidien et
bien fait, sens du service civique et de la citoyenneté. Dans leurs traces, je
me considère depuis toujours et pour toujours comme un ouvrier des Lettres.
Mes pensées vont aussi à mes
maîtresses et maîtres d’école qui, par leur talent de pédagogues et leur amour
de la République
ont contribué, à leur tour, à faire de moi ce que je suis.
Madame Yvonne Jungen, tout
d’abord, qui, dès mes premières années d’école primaire à Igney, m’a invité à
partager sa passion de la langue, m’a fait goûter ses subtilités, sa
profondeur, ses harmonies. Elle a si bien réussi que j’ai décroché le Prix de
lecture au Cours élémentaire première année, et reçu ainsi mon premier livre
(lire était considéré comme une occupation de fainéant dans ce milieu, à cette
époque) : le Don Quichotte de
Cervantès, en édition illustrée pour enfant. J’ai lu, relu des dizaines, des
centaines de fois ce livre en me répétant que j’aimerais, un jour, pouvoir
écrire des histoires comme celle-là ! Dans sa classe, je suis tombé
amoureux de notre langue (peut-être aussi de la maîtresse !)
Puis j’ai eu la chance de
rencontrer des professeurs remarquables, dont Joseph Martynciow, professeur de
français au collège de Thaon-les-Vosges, arrivé de Pologne pour aimer
passionnément notre langue et la faire maîtriser avec élégance et efficacité
par ses élèves.
Le philosophe Raymond Ruyer à la
faculté de Nancy, Vosgien lui aussi, l’un des penseurs les plus prestigieux de
notre temps, dont les nombreux écrits sont malheureusement oubliés aujourd’hui.
Par l’intensité et la clarté de sa réflexion, ce maître à élargi à l’infini le
champ de vision de plusieurs générations d’étudiants.
Que tous soient remerciés, en ce
jour, en ce lieu prestigieux, y compris les nombreux enseignants auxquels je
dois beaucoup, que je n’ai pas cités.
Je tiens aussi à rendre hommage à
mes éditeurs, à la grande et belle famille des Presses de la Cité en particulier,
représentée ici par sa Directrice générale Anne-Laure Aymeric, sa Directrice
littéraire Clarisse Enaudeau, et l’attachée de presse Laetitia Matuzik ;
retenu en province par des obsèques, notre Président-directeur-général Jean Arcache,
est avec nous par la pensée, tout comme Sophie Lajeunesse Directrice éditoriale
et l’équipe éditoriale tout entière, dont Carole Collin, Sophie Thiébaut et Isabelle Dupré.
Merci à toutes et à tous. Le travail avec vous est un bonheur toujours
renouvelé.
Sans mariage heureux
auteur-éditeur, le livre n’existe pas !
Que les femmes qui m’accompagnent
au quotidien dans mon aventure de vie et littéraire soient également honorées
en ce jour et en ce lieu, toutes les femmes, d’ici et de partout. Elles sont
les personnages principaux de tous mes livres parce que, depuis trop longtemps,
les grandes oubliées -pour ne pas dire méprisées- de l’évolution sociale.
Toutes les inégalités, toutes les exclusions me sont insupportables, celle-là
en particulier, celle-là d’abord. Comment se prétendre défenseurs de la belle
devise républicaine gravée au fronton de tous nos bâtiments officiels
LIBERTE-EGALITE-FRATERNITE si nous acceptons -pire pratiquons !- la
discrimination basée sur la seule différence organique ou de racines ? Dans mes livres, la femme côtoie l’ouvrier,
le paysan, le petit, le sans-grade, l’humble, ces gens du peuple qui sont
l’essence même de notre société, parce qu’elle en est l’origine et l’espoir.
Souvent, lors de mes nombreuses
interventions en milieu scolaire –rencontres pour moi très importantes car
prolongement de mon acte d’écriture en direction de celles et ceux qui
prendront notre relève- la question m’est posée : « Pourquoi
écrivez-vous ? » Ma réponse est toujours : « Je n’écris pas
pour distraire mes contemporains, pour les aider à s’endormir s’ils souffrent
d’insomnie. Mes livres ne sont pas un substitut du Lexomil. Je n’ai pas, non plus, la prétention de délivrer un ou des
messages. J’écris pour mettre en scène l’Histoire, témoigner et participer, par
ma plume, à la marche en avant de notre société, pour apporter ma pierre à
l’édifice social commun, pour, dans la délirante évolution de notre temps,
contribuer à la survie de la prodigieuse et vitale aventure du livre.
Permettez-moi, pour conclure, de
vous offrir cet extrait de discours prononcé par le poète espagnol Federico
Garcia Lorca lors de l’inauguration de la bibliothèque de son village natal
Fuente Vaqueros en septembre 1936 :
Des livres ! Des livres ! Voilà un mot
magique qui équivaut à clamer: "Amour, amour", et que devraient
demander les peuples tout comme ils demandent du pain ou désirent la pluie pour
leur semis. Quand le célèbre écrivain russe Fédor Dostoïevski était prisonnier
en Sibérie, retranché du monde, entre quatre murs, cerné par les plaines
désolées, enneigées, il demandait secours par courrier à sa famille éloignée,
ne disant que : " Envoyez-moi des livres, des livres, beaucoup de livres
pour que mon âme ne meure pas! ". Il avait froid, ne demandait pas le feu ; il avait une
terrible soif, ne demandait pas d'eau… il demandait des livres, c'est-à-dire
des horizons, c'est-à-dire des marches pour gravir la cime de l'esprit et du
cœur ! Parce que l'agonie physique, - biologique, naturelle d'un corps, à
cause de la faim, de la soif ou du froid, dure peu, très peu, mais l’agonie de
l’âme insatisfaite dure toute la vie !
"La devise de la République doit
être : la Culture !".
La culture, parce que ce n'est qu'à travers
elle que peuvent se résoudre les problèmes auxquels se confronte aujourd'hui le
peuple plein de foi mais privé de lumière.
N'oubliez pas que l'origine de tout est la lumière
Permettez-moi
de saluer aussi, et remercier, Monsieur Christian Poncelet, ancien ministre,
ancien président du Sénat, ancien président du Conseil général des Vosges,
initiateur de la démarche qui nous rassemble aujourd’hui.
Merci, Madame la Ministre,
Merci, Monsieur le Député
Christian Franqueville, mon cher Ami,
Merci à vous toutes et vous tous.
La Ministre attentive...
Avec Ch. Franqueville -député,et A. Henri - ancien ministre
Avec l'état-major des Presses de la Cité : A-L Aymeric Directrice générale, C. Enaudeau Directrice littéraire, L. Matusik attachée de presse
Avec Bernard Visse, mon successeur à la présidence Erckmann-Chatrian, et Jean-Paul Rothiot, historien et ami, mon "jumeau" décoré du jour.
MERCI, du fond du coeur.
Et merci à vous toutes et vous tous, amies et amis, qui m'avez adressé des mots chaleureux que je n'oublierai jamais.
Salut et Fraternité !
7 commentaires:
Félicitations. Je suis très heureux pour toi de cette reconnaissance bien méritée, cela m'émeus presqu'autant que si je l'avais reçue moi-même !Et je sais que tu nous régalera encore de tes merveilleux écrits.
Je vous embrasse tous deux. J.C.
Je suis heureuse comme JC et tant d'autres de tes admirateurs (et trices) !!
c'est mérité grandement ...et je suis fière de faire partie de tes amis
bien sincèrement
katy
Je viens de revoir ton dernier édito. Comme toujours tu est entouré de jolies femmes, comme la ministre qu'a mon avis tu ne serres pas assez fort dans tes bras !
A bientôt. J.C.
Merci, amie et ami fidèles. La Ministre dans mes bras ? Elle l'était par la pensée, car... protocole exige... Surtout, nous avons partagé une intéressante réflexion après la cérémonie. Elle en a pris le temps. Rare . Reconnaissance. Amitié.
Félicitations cher Gilles. Ravie de t'avoir retrouvé au travers de ce blog et de ton dernier livre après tant d'années. Michèle P. (Collègue dans "une vie antérieure)
Chère Michèle. Merci de m'adresser des félicitations aussi chaleureuses,et d'avoir repris ainsi contact avec moi. Mais je serais heureux que tu m'en dises davantage. Le veux-tu ? Tu as le choix : Facebook (message privé) ou ma messagerie perso : gilles.laporte.ecri@wanadoo.fr
D'accord ? Je t'attends avec impatience. Amitié et bises.
Thanks great blogg
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