mardi 12 mars 2013
Candide : Vérole, saignée et lavement...
Méditons ensemble cet extrait du Candide de Voltaire, vieux de plus de deux siècles !
Candide (…) s'enquit de la cause et de l'effet, et de la raison suffisante qui avait mis Pangloss dans un si piteux état. « Hélas ! dit l'autre, c'est l'amour ; l'amour, le consolateur du genre humain, le conservateur de l'univers, l'âme de tous les êtres sensibles le tendre amour.
- Hélas ! dit Candide, je l'ai connu, cet amour, ce souverain des cœurs, cette âme de notre âme ; il ne m'a jamais valu qu'un baiser et vingt coups de pied au cul. Comment cette belle cause a-t-elle pu produire en vous un effet si abominable ? »
Pangloss répondit en ces termes : « O mon cher Candide ! vous avez connu Paquette, cette jolie suivante de notre auguste baronne ; j'ai goûté dans ses bras les délices du paradis, qui ont produit ces tourments d'enfer dont vous me voyez dévoré ; elle en était infectée, elle en est peut-être morte. Paquette tenait ce présent d'un cordelier très savant, qui avait remonté à la source ; car il l'avait eue d'une vieille comtesse, qui l'avait reçue d'un capitaine de cavalerie, qui la devait à une marquise, qui la tenait d'un page, qui l'avait reçue d'un jésuite, qui, étant novice, l'avait eue en droite ligne d'un des compagnons de Christophe Colomb. Pour moi je ne la donnerai à personne, car je me meurs.
- Ô Pangloss ! s'écria Candide, voilà une étrange généalogie ! n'est-ce pas le diable qui en fut la souche ?
- Point du tout, répliqua ce grand homme ; c'était une chose indispensable dans le meilleur des mondes, un ingrédient nécessaire ; car si Colomb n'avait pas attrapé, dans une île de l'Amérique, cette maladie qui empoisonne la source de la génération, qui souvent même empêche la génération, et qui est évidemment l'opposé du grand but de la nature, nous n'aurions ni le chocolat ni la cochenille ; il faut encore observer que jusqu'aujourdh'ui, dans notre continent, cette maladie nous est particulière, comme la controverse. Les Turcs, les Indiens, les Persans, les Chinois, les Siamois, les Japonais, ne la connaissent pas encore ; mais il y a une raison suffisante pour qu'ils la connaissent à leur tour dans quelques siècles. En attendant, elle a fait un merveilleux progrès parmi nous, et surtout dans ces grandes armées composées d'honnêtes stipendiaires, bien élevés, qui décident du destin des États ; on peut assurer que, quand trente mille hommes combattent en bataille rangée contre des troupes égales en nombre, il y a environ vingt mille vérolés de chaque côté.
- Voilà qui est admirable, dit Candide, mais il faut vous faire guérir.
- Et comment le puis- je ? dit Pangloss ; je n'ai pas le sou, mon ami ; et dans toute l'étendue de ce globe, on ne peut ni se faire saigner ni prendre un lavement sans payer, ou sans qu'il y ait quelqu'un qui paye pour nous. »
Voltaire Candide Genève 1759 - Image Voltaire par Quentin de La Tour
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4 commentaires:
Maintenant avec les associations de médecins et chirurgiens sans frontière , ils vont soigner pour rien, opérer et faire des gestes de soins de 1er ordre , des infirmières aussi ....Ici chez nous nos hôpitaux aux urgences accueillent les gens et les soignent, tant et si bien que beaucoup viennent de différents pays pour se faire soigner ici.
des associations humanitaires font des chaines pour accueillir des familles, pour faire opérer des enfants du coeur( problèmes cardiaques ) ici le tout payé par l'association et les gens qui donnent à cet effet..
pour les prothèses aussi ( jambes)
Pas assez sans doute, trop de gens sur terre souffrent et n'ont pas accès aux soins et médicaments, même aux lunettes...
et même à l'eau potable source de tant de maladies et décès!!!
Il faudrait développer d'avantage tout cela ..
voilà ce à quoi ton récit m'a fait penser spontanément.
merci Gilles et amitiés
katy
Ah ! Voltaire, que n'est-il pas là pour faire le procès de tous les menteurs et tricheurs de notre siècle !
Je vous embrasse tous deux. J.C.
et puis sur la transmission d'une maladie , c'est bien vrai que nous avons fait voyager nos microbes..
les indiens d'Amazonie savent soigner leurs maux , mais si nous leur apportions les nôtres !! leur médecine est impuissante...
les maladies voyagent avec les gens, maintenant avec les avions à vitesse grand "V"..mais notre médecine a fait des bonds, et des miracles...
il faudrait juste que chaque homme sur terre ait droit à cette médecine et aussi à l'eau potable.
bisousssssssssssssssss
katy
mais si nous leur apportons
le "i" est venu se glisser comme une maladie ....
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