lundi 12 septembre 2011

Morale à l'école...

Dans sa grande clairvoyance d’Etat, le ministre de l’Education nationale de France enraciné dans l’ultralibéralisme états-unien, promoteur de l’école des marchés dite « libre » et liquidateur de celle de la République, dite « publique », vient de décider que, désormais, la journée de nos élèves commencera par une leçon de morale.
Réjouissons-nous, mes frères… le monde va enfin changer ! Patientons une petite génération (voire deux, le temps de redresser la trajectoire du navire à la dérive), et espérons que nos descendants verront le résultat de ce beau programme pédagogique.
Mais, malgré sa volonté de présenter cette décision comme la preuve d’une vision contemporaine et futuriste d’assainissement social, force est de constater que ce ministre ne fait que ressortir des vieux cartons républicains une pratique instaurée par Jules Ferry voilà presque un siècle et demi et respectée à la lettre par les maîtresses et maîtres d’école durant des décennies.
En outre, force est de constater que, si l’objectif paraît louable, la perversion de la pensée conceptrice semble évidente à qui s’interroge un peu. Car…
Ne sommes-nous pas face au comportement incohérent de gens qui, pour moins que cela, au sein d’une famille ou d’une entreprise par exemple, se verraient à juste titre conseiller une visite chez un médecin spécialiste des troubles mentaux, ou un psychologue sérieux.
Après l’affaire Bettencourt, l’affaire Tapie, l’affaire de l’hippodrome de Compiègne, l’affaire Clearstream, l’affaire baptisée pudiquement des « emplois fictifs de la Ville de Paris », l’affaire des financements occultes de campagne électorale, toutes les autres affaires respirantes ou étouffées… comment recevoir cette invitation au respect de la morale adressée par nos dirigeants aux futurs citoyens ?
Vouloir admettre cette décision comme salutaire en ne perdant pas de vue le comportement de ceux qui l’initient relève du grand écart !
En viendra-t-on, dans cet état d’esprit, à demander à Milosevic de donner des conférences (copieusement payées) sur les droits de l’homme, aux Bush sur les richesses culturelles essentielles du Moyen Orient (Irak en particulier), à Kadhafi (quand il aura été retrouvé) sur le nécessaire respect de ses peuples, aux concepteurs et commerçants du Médiator sur les beautés de la déontologie médicale, à Nétanyahou sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, aux inventeurs du bouclier fiscal sur la justice… fiscale, au criminel de la route sur la conduite citoyenne, au violeur de joggeuses sur le respect de la Femme, etc.
Certes, on peut nous répondre que tous ceux-là connaissent bien leur sujet pour l’avoir pratiqué jusqu’à l’indécence, parfois jusqu’au crime, ce qui fait d’eux des experts !
Mais… le premier principe n’est-il pas que, l’exemple venant d’en haut, la morale devrait d’abord être la pratique quotidienne dans les palais nationaux, assemblées, ministères, cabinets, offices et officines du pouvoir, salles de conseils d’administration, directoires et autres chapelles discrètes, voire secrètes ?
« Faites comme je dis ! Ne faites pas comme je fais ! »
Que voir donc dans la décision du ministre de l’Education nationale, sinon la volonté de déconsidérer davantage encore un corps enseignant ainsi accusé d’avoir négligé l’essentiel alors qu’il n’a pas attendu la consigne sur papier timbré pour enseigner les bonnes règles de vie sociale, et, surtout, d’asservir davantage encore les générations futures ?
Nous ne pourrons pas dire que nous ne le savions pas : dans ses Principes de politique des souverains, Diderot nous a avertis voilà plus de deux siècles :
Il ne faut de la morale et de la vertu qu’à ceux qui obéissent !
Obéit à l'aveugle qui veut.
Mais surtout… méditons !
Salut et Fraternité.

image Morale et tableau noir droits réservés

5 commentaires:

anonyme a dit…

Oui. Je me gosse en votre compagnie ;-)
Disons que nous réserverons la "morale" (espérons qu'elle soit laïque) pour le petit peuple, et la perversité pour les grandes écoles.
De la sorte : "chacun à sa place", comme le disait notre cher Bourdieu !

anonyme a dit…

Pardonnez mon lapsus (Freud avait raison), il faut lire "je me gausse". Nous sommes bien les "gosses" de la République ;-) Que vaut mon vote, tant que le capital/pouvoir/savoir maîtrise et manipule cet objet que nous appelons Démocratie ?
Il faut plutôt apprendre le sens civique à nos enfants, c'est-à-dire la capacité a être des "contradicteurs", plutôt que des moutons.
Merci pour ce post.

Gilles LAPORTE a dit…

Oui, cher ami ! L'école doit aider nos enfants à devenir des citoyens à la conscience civique vive, au sens critique développé, pierres de fondation d'une authentique démocratie ! Merci de nous le rappeler. Amitié.

Rénica a dit…

Honni soit qui mal y pense !! Comme vous y allez...et comme vous avez raison... ;-)

Gilles LAPORTE a dit…

Merci, chère Rénica. A bientôt. Je vous embrasse. Gilles